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Dans tout cela, je suis privilégiée à plusieurs égards, j’ai un mari compréhensif et aidant, j’ai une assurance qui m’empêche de me préoccuper au moins du coté financier, je peux me reposer autant que je veux, même si je passe 20 heures au lit, je ne pénalise personne.

Pensez aux autres qui ont des responsabilités et qui ne peuvent pas les rencontrer, ça doit être très stressant. Comme j’admire ces personnes qui ont encore le courage d’avoir des projets, contre vents et marées.

Il y a aussi l’aspect psychologique qui est très lourd à assumer.

Souvent la famille ne comprend pas ce que vit la malade, elle pense que c’est du laisser-aller, de la paresse ou du désintéressement. Bien non, tout au contraire. Je crois que ce sont plutôt des personnes qui habituellement se dépensent beaucoup qui sont atteintes.

Le temps de la consultation que j’appréhendais et espérais en même temps, avec le docteur Phaneuf, était maintenant arrivé.

Il commença par me faire passer une batterie de tests avec prises de sang spéciales. Comme il me l'expliqua, il est difficile de diagnostiquer ces maladies.
On procède plutôt par élimination d’une douzaine de maladies courantes. Vous trouverez toutes les informations sur les sites traitants du sujet

Un mois plus tard, j’avais ma rencontre pour les résultats, car ça prend au moins trois semaines pour faire ces analyses de sang. Au cours  de ce long mois, je m'étais  programmée afin de faire face au diagnostic et j’étais prête.

Il m'annonça qu’il y avait un virus très virulent qui circulait dans mes veines et qui faisait des ravages. Il ajouta qu’il comprenait très bien mon état et se demandait même comment j’avais pu passer au travers ces longs mois sans aide. Il pouvait prendre une goutte de sang et la diluer 1053 fois et le virus était toujours présent.

J’avais toujours accepté les verdicts sans broncher, mais là je me suis mise à pleurer à chaudes de larmes, c’était de bonheur…Le docteur Phaneuf me dit qu’il ne m’apprenait pas une très bonne nouvelle, au contraire.  Mais pour moi, c’en était une!

Ce n’était dont pas juste dans la tête, je n’étais donc pas folle. Je n’étais donc pas complètement responsable de tout cela. Comme je me sentais bien! On aurait dit qu’on m’enlevait un poids énorme  sur mes épaules. Le docteur m'expliqua alors, dans un langage imagé afin que je comprenne bien, ce que ça faisait dans mon organisme. Il me dit que le virus ne reconnaissait pas ses ennemis et attaquait mon système immunitaire, détruisant ainsi aussi bien les bonnes cellules que les mauvaises, avec le résultat qu'on connaît, enfin c'est ce que j'ai compris.


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Au cours de mes nombreuses visites dans les salles d’attente pour la FC et FM, j’ai vu passer bien du monde. On ne rencontre pas des personnes pendant des années sans se reconnaître et échanger.

Contrairement à d’autres salles d’attente, les personnes semblaient toutes des personnes dynamiques, ayant une bonne estime de soi et bien mises. Il y en avait aussi de tous âges.

La majorité était des femmes qui détenaient des postes de responsabilités.
C'était dont plus souvent des personnes énergiques et avec plein de projets qui  étaient les cibles de cette maladie. Ceci n'est qu'une opinion que je me fais d'après ce que j'en sais.

Toutes parlaient des pertes morales qu’elles avaient subies. Perte de jouissance de la vie, perte d’amis, plusieurs divorces car le conjoint ne reconnaissait plus la personne que sa conjointe était devenue. On se plaignait surtout de l’intolérance, de la non compréhension des autres et de la solitude qui s’en suivait.

Ça faisait un mois maintenant que j’avais mon diagnostic quand je rencontrai le premier psychiatre. Il était mandaté par les assurances afin de faire une expertise de mon cas.
J’avais apporté avec moi le rapport du docteur Phaneuf et je lui apportais aussi un article que j’avais lu sur le sujet et qui décrivait assez bien les symptômes de la fibromyalgie et de la fatigue chronique.

Quand il eut lu le rapport, il me dit que ça devait être une nouvelle maladie car il n’en avait jamais entendu parler. En tous cas, il ne semblait pas très impressionné. Il fit un rapport pour six mois pour mon employeur et disant que dans quelques mois je devrais être bonne pour retourner au travail.

Même si j’essayais que ça ne paraisse pas trop, je tremblais au point que je ne pouvais pas le cacher. Me déplacer me demandait tellement d’efforts que j’avançais comme une personne très vieille qui n’est pas en forme.

Ce n’est pas parce qu’on ne trouve pas ce qu'on a que ça veut dire qu’on a rien.
Je sais que la médecine a ses limites et je respecte les médecins, mais de là à dire que c’est dans la tête, il y a une limite. Par la suite, je rencontrai deux autres médecins à une année d'intervalle avec à peu près les mêmes résultats j'imagine, mais je n'ai pas vu les rapports.

Ça faisait quelques mois que j’avais eu mon diagnostic, mais ça ne mettait nullement fin à mes douleurs ni à mon état d’extrême faiblesse. Ça n’apportait pas non plus de solution pratique pour vaincre ces maladies dont on ne connaissait aucun médicament valable.

Après avoir été très entourée dans ma vie professionnelle je tombais dans une solitude complète.

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Par respect pour ma condition, personne ne voulait me déranger car je n’étais pas capable de parler au téléphone plus que quelques minutes et j'avais beaucoup de misère a m'exprimer, étant sous l'effet des médicaments. Mon mari partait pour le travail très tôt et revenait sur la fin de l’après-midi, et à 20 heures, il était couché.

Un peu avant son arrivée je me faisais une petite toilette, un peu de maquillage, car  ça fait du bien au moral. Il faut penser que les conjoints aussi vivent la maladie difficilement, souvent ils ne reconnaissent plus la personne gaie et enjouée qui était là avant.

J'ai toujours été assez coquette et je trouve que même pour nous, c'est agréable de voir un visage souriant dans une tenue présentable. On dirait qu'on est moins malade. Je crois qu'on ne trompe personne, mais la pilule est plus facile à avaler, il me semble.

Pour moi, la seule solution envisageable était d’aller au plus profond de mon être, pour y puiser des solutions à ma portée. Je voulais retrouver une qualité de vie acceptable pour moi et pour mon conjoint, si non la descente n’en serait que plus cruelle.

Ce n’est rien de facile et ça prend une bonne dose de courage et de persévérance pour ne pas sombrer dans le plus grand désespoir quand ça dure des années.

Je ne vous cacherai pas que pendant les quatre premières années, presqu’à chaque jour, je pensais au suicide. J'avais en ma possession tout ce dont j'avais besoin, et seule la peur de faire de la peine à ma famille m’en a empêchée.

Un matin qui avait suivi une nuit où la souffrance était presque intolérable, j’étais pratiquement prête à passer à l'acte car je me voyais bien plus comme un boulet qu’autre chose. Je pensais que mon mari serait bien plus heureux sans moi et qu'il était encore assez jeune pour refaire sa vie.

Il était 9 heures du matin et mon fils est arrivé, je ne l’attendais pas du tout et il ne venait jamais comme cela en plein jour, car il travaillait et avait de grandes responsabilités.

Il m'a dit qu’il devait avoir une réunion très importante avec une dizaine de personnes mais qu’il avait tout annulé. Il me dit que j’étais continuellement dans ses pensées et qu’il avait décidé de venir voir ce qui se passait.

Nous avons parlé pendant quelques heures, ça faisait longtemps que ce n'était pas arrivé. Il m’a fait comprendre que je m’attardais à ce qui me manquait plutôt qu’à toutes les choses que j’avais. Que mettre fin à mes jours ne ferait que me forcer à revivre, dans une autre vie, des choses encore plus difficiles. Je ne sais pas s’il avait raison, mais il a réussi à me faire réaliser qu’on tenait à moi malgré tout.

Il me dit; ''Maman, tout le monde qui te connaît t’estime, tu as un bon mari, tu as un toit sur la tête, tu ne manques de rien Ce n’est pas le grand luxe, mais tu es bien et nous t’aimons,  moi et les enfants.''

J’ai souvent eu en mémoire la pensée suivante: "Si tu remerciais pour tout ce que tu as, tu n’aurais pas le temps de te plaindre". Mon fils, dans sa sagesse, avait bien illustré l'essence de cette pensée.

Probablement aussi que ce matin-là, l'estime que j'avais de moi avait pris le bord. J'avais sans doute un grand besoin d'être rassurée. Le fait de me faire dire qu'on pouvait encore m'aimer avait suffit à me faire voir les choses différemment.

 N'oublions pas de dire à notre entourage et à nos malades surtout, quelles que  soient les situations difficiles dans  lesquelles ils se trouvent, qu'on les aime très fort.l

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