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Les heures que j’avais passées à essayer d'enfiler mon aiguille (quand malheureusement j’oubliais de le faire faire par mon mari avant son départ), portaient fruits.
J'échappais souvent mes épingles que je devais ramasser une à une, cela m’avait aussi bien aidée à moins trembler et avoir une meilleure coordination. Tout cela faisait que j’avais un meilleur contrôle de mes gestes.
J’ai fait cela pendant à peu près 5 ans. J'étais encouragée et voyant que ça m'occupait beaucoup, je me suis acheté une surjetteuse.
Si vous saviez tout ce que j'ai fait.
J'ai donné la grande majorité des robes, costumes et autres à des organismes de charité pour leurs bazars ou pour les femmes battues ou en difficulté.
J'ai habillé des enfants de jeunes mamans que je rencontrais parfois quand j'allais au centre pour mes massages.
Comme je n'avais aucune vie sociale, exception faite des promenades dans différents centres d'achats, je n'avais pas la chance de porter tout ce que je faisais. Je n’avais jamais de visite et je n’étais jamais invitée car quand on est malade, on est vite oubliée.
J'allais acheter du beau tissu mais qui était en vente, j'attendais qu'il soit à trois mètres pour le prix d'un, j'en avais alors assez pour faire tout ce que je voulais...
Quelques fois ça me prenait plusieurs semaines à faire une robe de soirée, quelques fois, toute perlée, que je donnais souvent à une inconnue sans même l'avoir portée une seule fois. J'étais contente, car même si ça m'avait coûté des sous, ça m'avait occupée pendant pas mal de temps.
Ma coordination s'était améliorée. Mon temps avait été occupé de façon positive, et je faisais en plus une personne heureuse qui normalement n'aurait pas eu les moyens de se payer une telle gâterie.
Dans mes déplacements dans les magasins, dans la majorité des cas, quand je voyais une jeune personne habillant à peu près comme moi, j'allais vers elle. Je parlais un peu avec elle et en parlant des prix des vêtements je la mettais pratiquement en état de se confier. Elle me disait souvent qu'elle aimerait bien avoir plus de vêtements mais comme elle était monoparentale, avec le petit salaire qu'elle recevait elle ne pouvait pas se permettre de telles dépenses. Je lui proposais alors ce que j'étais en train de faire si elle était intéressée. Je lui disais que dans quelque jours je lui apporterais le vêtement.
Comme j'avais évalué qu'elle habillait comme moi, j'étais certaine que ça lui irait comme un gant. Bien entendu, on ne me prenait pas au sérieux. C'était trop drôle quand je revenais quelques jours plus tard, tel que promis, elle n'en croyait pas ses yeux et moi j'étais aussi heureuse qu'elle, j'avais atteint tous mes objectifs
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Comme je ne pouvais jamais faire le même exercice bien longtemps, je devais me trouver d'autres passe-temps. J’ai toujours aimé faire du dessin, mais quand on est obligé de gagner sa vie, on n'a pas grand temps pour s’amuser.
Maintenant j’avais le temps.
Je me suis procuré tout ce que j’avais besoin pour faire de la peinture à l’huile, j’avais le goût de créer, de voir des choses tangibles que je pourrais réaliser.
J’aimais
bien cela. Je m’étais installée pour travailler
assise, mais je n’avais pas pensé au nettoyage
des pinceaux et que je ne pouvais consacrer
que peu de temps à cette nouvelle occupation.
Commencer tout cela pour laisser 20 ou 30
minutes plus tard, ce n’était pas tellement
pratique et je perdais pas mal de matériel.
J’ai donc alterné avec de la peinture à l’eau
et l’aquarelle que je pouvais essayer.Je
trouvais cela très difficile car la technique était
complètement différente, et je ne réussissais
pas tellement bien, excepté que je faisais
des arbres très réalistes.
L’image d’accueil
une de mes créations d’ailleurs j’en ai utilisé plusieurs
sur mon site. Faire toutes ces choses quand
on tremble n’est pas toujours évident, mais
je continuais mon petit bonhomme de chemin
et graduellement je reprenais le contrôle
de mes mouvements.
Chaque jour je devais faire des choix et me reposer. La vie continuait et j'avais de plus en plus de bons moments.
J’alternais mes activités entre la lecture, l’écriture, la couture, le tricot, la peinture et les repos. Quand je sentais que j'étais assez bien pour sortir, même pour pas longtemps, j'étais toujours prête.
Au début, je sortais très peu mais quand mon mari m’offrait de m’accompagner, j’acceptais avec plaisir. Surtout au début de mon invalidité ça n'arrivait pas très souvent que je me sente assez forte pour partir une heure.
Nous allions habituellement au centre d’achats, il me laissait tout près de l’entrée et allait se stationner. Souvent il revenait et me retrouvait assise par terre s’il n’y avait pas de banc tout prêt pour m'asseoir quelques minutes, et j’étais au bout de mes forces. Il m'aidait à me relever et nous allions nous asseoir dans le hall pour quelques minutes. C'était cela mon voyage. Quelle patience il a eue avec moi!
Je n’avais plus aucune vie sociale, car quand on à une invitation à souper, il faut rester plus qu’une heure, et pour moi c’était le maximum; naturellement je ne pouvais pas recevoir non plus. On se retrouve toute seule et il faut accepter de vivre différemment.
C’est à peu près de cette façon que se sont déroulées les premières années.
Quand j’avais de meilleures journées, j’en profitais raisonnablement.
Mon mari avait pris sa retraite prématurément pour demeurer plus longtemps avec moi. Naturellement il avait pris le contrôle de toutes les tâches ménagères et j’essayais d’en faire un peu, mais je n’en faisais jamais assez à mon goût.
Pour une femme active, ça prend une bonne dose d’humilité pour accepter d’en être rendue là.
Contrairement à bien d’autres personnes, j’avais de l’aide, combien d’autres en sont privées, pourquoi me plaindre.
Pourtant
la vie continuait et il y avait toujours des choses à faire. Même
si c'est difficile, on ne peut pas laisser tout
tomber.
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Mais après tous ces efforts, je sentais que je reprenais des forces peu à peu. Je restais debout plus longtemps et je descendais moins bas car la récupération se faisait plus facilement.
Je me suis inscrite à des centres de conditionnement physique me permettant de m'exercer à mon rythme, mais je ne pouvais jamais persister. Au bout de quelques minutes je me remettais à trembler, c'était musculaire. Alors ma température montait et j’avais des ganglions très souffrants un peu partout.
La seule chose que j’ai eue venant de l’extérieur ce sont les massages que j’ai toujours gardés depuis 10 ans à raison d’un par semaine. Ça m’a fait le plus grand bien.
C’est comme un cercle vicieux. Moins on marche, plus on a de la difficulté à marcher et plus ça fait mal.
Depuis plusieurs années, nous sortons tous les jours mon mari et moi. Nous faisons le tour des centres d’achats, nous marchons, prenons un petit dîner et revenons à la maison après. Cela me fait faire de l’exercice, je vois du monde, je dîne et reviens fatiguée, mais contente de retrouver mon lit ou mon fauteuil.
Je parle pour moi, car mon mari n’a pas besoin de cela pour marcher. Mais pour moi, c’est plus facile, il y a des bancs partout et je peux aller à mon rythme si je suis trop fatiguée.
Bien entendu ça serait bien mieux si je prenais une bonne marche dehors, mais quand il fait très beau je fais des petits bouts.
L’été je passe mon temps dehors. Quand vient le temps de mettre les fleurs en terre, je m’assieds sur un coussin et je fais mes plates-bandes de fleurs.
Mon mari prépare la terre et m'offre de faire cela. Moi je veux absolument les faire. Ça me fait tellement de bien de me sentir un peu comme avant.
Pour réussir, je dois m'y prendre plusieurs fois, mais du temps, j'en ai à profusion, si ça se donnait, j'aimerais tellement en faire profiter quelqu'un d'autre.
Parfois ça me prend trois ou quatre jours à me remettre, mais c’est le prix que je suis prête à payer pour me procurer ce plaisir.
À tous les 6 mois je devais repasser d’autres tests et faire remplir de nouvelles formules par mon médecin traitant ou par des spécialistes choisis par les assurances.
Mon cas était constamment remis en question. Les virus coksakis 3, 4 et 5 se faisaient la guerre et demeuraient actifs sans que nous puissions trouver de solutions valables.
En 1998, après avoir passé des examens plus poussés au sujet de la détérioration des os, le docteur Phaneuf m'avait fait un portrait assez sombre de la situation pour l'avenir. Il me conseillait de demeurer dans un logement sans escaliers et penser a la chaisse roulante mais moi je n’étais pas rendue là.
Comme il ne semblait pas avoir de solutions à me proposer, j'ai décidé de cesser de me faire suivre par lui car je revenais tellement fatiguée et déprimée de nos rencontres que j’y ai mis fin en me disant que je m’arrangerais avec mes troubles.
Il avait fait beaucoup pour moi sur le plan moral et professionnel pendant ces dix années mais au point de vue médical, il n'y avait pas tellement d'alternatives.
Il faisait beaucoup de recherches, savait l'évolution de la maladie mais pour moi il n'y avait pas de changement.
Il était débordé, alors j'ai laissé ma place à une autre qui en avait probablement plus besoin que moi maintenant. Je crois qu'à un moment donné il faut lâcher prise et plutôt que d'être sur un pied de guerre, tenter de vivre avec nos bibittes.
Après des années, on en vient à connaître les conséquences de nos écarts et les répercussions qu'occasionne un supplément de fatigue ou de stress.
On ne peut plus se permettre d'aller au-delà de nos forces sans en payer le prix fort. Je crois que la décision que je venais de prendre m'a aidée à me responsabiliser encore plus et, d'une certaine façon, m'a aidée à garder un meilleur contrôle sur ma qualité de vie.
Pendant toutes ces années, j'avais toujours trouvé très difficile ces longues attentes pour rencontrer le médecin au bureau de l'hôpital, j'en avais pour des jours à m'en remettre.
Souvent j'étais obligée de m'étendre sur une civière tant j'étais fatiguée, car parfois j'attendais 3 ou 4 heures. Je trouvais aussi qu'on avait fait le tour, J'ai donc cessé d'y aller.
J'étais aussi suivie pour la haute pression au centre de recherche situé juste en face, et ce, depuis les débuts. Je m'en suis remise à mon médecin de famille tout simplement.
Je suis pourtant très reconnaissante pour tout ce que ce que le docteur Phaneuf a fait pour moi au plus fort de ma maladie, et de l'espoir qu'il avait fait jaillir dans des moments particulièrement pénibles.
Je vous ai parlé un peu de mon manque de mémoire et de la difficulté à m’exprimer. Si j’étais un peu plus fatiguée, je parlais comme une personne sous l'influence de la boisson ou sous l’effet des médicaments,
Pourtant, je ne prenais qu’une pilule très légère qu’on donne aux enfants et qui devait principalement faire délier mes muscles qui me donnaient toujours autant de mal.
Nous avons en nous des forces illimitées qu'il faut parfois explorer à fond pour découvrir toutes les possibilités qui sont à notre portée.
Comme je vous l'ai dit au début, j'ai fait ce témoignage afin de faire connaître plusieurs aspects de la maladie et des difficultés innombrables qui peuvent l'accompagner.
Mais il y a un espoir qu'il ne faut jamais perdre, celui de voir la lueur au bout du tunnel.
Il
ne faut surtout pas vous comparer à moi, ou à d'autres, car chaque cas est différent, l'âge le caractère
et la condition physique y sont aussi pour
beaucoup.
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Je
viens d'avoir 73 ans, pour moi c'est comme
si je remportais la plus grande compétition
de ma vie, je n'avais jamais pensé me
rendre aussi loin, je ne l'espérais même
pas.
Il
est probable que j'avais encore des choses à vivre
et je veux les vivre le mieux possible.
Je
me considère comme guérie, même
si parfois j'ai des journées plus difficiles
que les autres et que mes douleurs me rappellent
que je dois faire attention à moi.
Je
considère que j'en ai repris jusqu'à 80
% et comme j'ai toujours cherché l'excellence,
je vise le 100%.
En
1999, j’ai eu la chance extraordinaire
d’avoir un ordinateur. Je ne connaissais
absolument rien de rien à cette boite à miracles,
mais cela a changé ma vie.
J’ai écrit
un livre virtuel qui complétera ce
récit,
il est sur mon site. L’histoire est
bien différente et plus facile à lire
et à vivre que ce je viens de partager
avec vous. Le titre
est ''
Ce qu'Internet
a
fait pour moi '', en cliquant sur le
livre vous vous y rendrez facilement

Ça vous surprendrait peut être de savoir qu'entre 1990 et 2000
je ne savais pratiquement plus écrire, que je cherchais continuellement
mes mots et que je devais consulter mon dictionnaire constamment, pourtant
ce n’est que la stricte vérité. Je réalise aujourd'hui
que je reviens de loin.
Merci
d'avoir été là pour moi
Will

Merci
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