Chapitre 2
L'histoire
Comme nous étions en octobre, plusieurs questions portaient sur la fête de l'Halloween de mon temps.
Je décidai alors de parler des fêtes du Mardi gras telles que
mes souvenirs me les transmettaient, pour eux c'était quelque chose
d'inconnu.
* Lorsqu'il y a une question des enfants, la police est en italique
Nous venons de célébrer l'Halloween. Aviez- vous cette fête dans ce temps-là ?
Il y avait
une fête qui ressemblait un peu à celle-là. Les gens se costumaient,
c'était la mi-carême. Voilà que ce simple mot évoque en moi une
expérience douloureuse que j'ai vécue lorsque j'étais toute petite.
Comme son
nom l'indique, cette célébration survenait au milieu du temps de jeûne
et de privations qu'on appelait le Carême, dans la religion catholique.
Le Carême se déroulait sur une période de quarante jours précédant la
fête de Pâques.
Pour
respecter ce que nous indiquait la religion catholique, à peu près tout
le monde se privait de nourriture et faisait de gros sacrifices durant
ce temps. A mi-temps, il y avait une fête qui ressemblait un peu à
l'Halloween dans le sens que les gens se déguisaient et festoyaient, bien
entendu.
Cette année là, il y avait une soirée qui se déroulait à St-Thomas Didyme et mes parents m'avaient
amenée avec eux. Une tante que
j'aimais beaucoup, sœur de ma mère, y habitait avec sa nombreuse
famille.
Ça se
passait dans une grande salle située tout près de l'église, et
c'était bondé. J'étais dans les bras de mon père, et morte de
peur.
Ce n'était pas comme aujourd'hui. On ne voyait pas de beaux
costumes achetés au magasin. Les déguisements étaient fabriqués, pour
la plupart, dans de vieux costumes déchirés qui semblaient sales, il y
en avait probablement de beaux, mais ce sont les laids qui me sont
restés en mémoire.
Le plus
souvent c'était les hommes adultes qui arboraient ces costumes. La
suie qu'on prenait dans les tuyaux du poêle et le charbon avaient l'air
très populaires. Les figures étaient, pour la plupart, enduites de cette
suie qui devait être mélangée à de la graisse, moi je trouvais cela
affreux.
Je me
rappelle avoir vu des personnages qui semblaient en état d'ébriété,
bossus, handicapés, avec une jambe ou un bras en bois, borgnes et j'en
passe. Pour le temps, ils réussissaient très bien à camoufler un membre
dans des vêtements amples, et l'on n'y voyait que du feu !
Je ne faisais pas la différence entre des personnes ou des personnages du Mardi
gras et j'étais en état de choc..
Peut- être
y avait-il aussi des femmes mais moi, je ne m'en souviens pas.
Il y avait beaucoup d'ingéniosité dans la fabrication de ces
déguisements, car l'on n'avait pas comme aujourd'hui tout ce que l'on
retrouve dans les magasins, mais les costumes avaient l'air aussi vrais que dans
des films d'horreur.
J'étais très
jeune, à peu près trois ans ou quatre ans maximum, et mes parents
m'avaient amenée à une telle soirée. Je n'étais naturellement pas
préparée à voir ces laideurs… Imaginez mes cris quand un vieux bonhomme,
la figure toute noire de charbon a fait semblant de vouloir me prendre
dans ses bras en faisant de grands gestes. Il était bossu et portait des
gros gants dont il manquait des doigts.
Pendant très
longtemps j'ai fait de mauvais rêves. J''avais peur dans le noir, et
j'ai été traumatisée pendant des années avec toutes sortes de peurs.
Cela m'a pris pas mal de temps avant de pouvoir entrer seule dans une
pièce plongée dans le noir.
Je ne comprends toujours pas pourquoi mes parents m'ont fait
subir une telle expérience traumatisante. Dans ce temps-là, on ne se
posait pas la question, et je crois que l''on prenait pour acquis que
cela faisait partie de la vie.
Aujourd'hui, lorsque je vois de beaux petits bouts-de-choux défiler pour
l'Halloween et qu'ils ont peur, je les comprends et je les plains.
Par contre ils ont déjà eu, par le truchement de la télévision
et par l'éducation qu'ils reçoivent avant la fête, une certaine
expérience de ces personnages irréels. Ils sont moins traumatisés,
j'imagine, que nous l'étions à leur âge.
Il y a tellement de belles choses dans le monde, pourquoi prendre comme modèles des choses macabres ou sanglantes ?
………….
Revenons à
mes petits copains....Bientôt les élèves d'une classe décidèrent de
m'écrire plusieurs histoires que je devais compléter. Une d'entre elles
relatait une histoire d'un monstre informatique qui empêcherait toute
communication sur Internet pour une semaine….Il y avait, justement cette
semaine-là un boycotte d'Internet en France pour faire baisser les prix
des raccordements à Internet qui sont, paraît-il, très très dispendieux.
Je repris donc l'histoire en disant qu'on devrait faire une exception pour l'internaute québécoise que j'étais.
Pour la raison que je travaillais très fort, mai qu'on devrait
plutôt pénaliser leur professeur de qui je n'avais pas encore reçu de
nouvelle, si ce n'est qu'une petite phrase accompagnant les récits des
élèves ou l'on pouvait lire :'' Wilda, vous être devenue une super star
ici, on ne parle plus que de vous.''
Je faisais aussi remarquer que j'avais déjà envoyé plusieurs
messages au professeur et que j'attendais toujours. Mon petit stratagème
a réussi au-delà de mes espérances.
Le lendemain à la première heure, je recevais toutes les explications tant attendues.
……………………….
Ici, partie du message reçu du professeur.
Provin 10 décembre 1998
'' Les
élèves qui me sont confiés pour cette approche de l'ordinateur, sont
bien sûr trop nombreux et il m'est difficile de créer un vrai suivi
pédagogique. J'essaie pourtant.
Mais à
partir de janvier, j'aimerais avoir, avec mes élèves, 4 heures et 1/2
par semaine, pour travailler sur le Net, si bien sûr, on me donne un
ordinateur dans ma classe.. Tu sais la France rêve de nouvelles
technologies, mais elle ne se donne pas les moyens de ses ambitions..
Je ne sais
si tu comprends les affres ou les démarches labyrinthiques de
l'éducation nationale française, mais s'il fallait résumer je dirais:
"Une heure de Net par semaine pour quelques élèves que je ne
vois que ce jour là.." D'où tous les dysfonctionnements qui doivent te
paraître absurdes.
Mais, sache malgré tout, que pour moi, et surtout pour mes élèves, tu es une chance extraordinaire...
Tu prends du temps pour écrire, mes élèves te lisent et ont une terrible envie de te répondre. Ils écrivent, inventent.
C'est assez extraordinaire!
Ils ont autour de toi de multiples projets:
Faire un livre sur toi. Ils adorent les bribes de vie que tu
leur racontes. On en fait un recueil et certains, à partir de ce que tu
écris, réécrivent des morceaux de ta vie. Tu devrais recevoir cette
semaine "la mi-carême". En effet, Fabian a ré-inventé l'histoire de ta
peur vue du côté de l'homme déguisé. J'espère que cela te plaira.
Ils
illustrent aussi tes épisodes. Et d'ici la fin de l'année, on espère que
tu pourras recevoir le premier tome des aventures de Wilda... Les
vraies, les rêvées, les délirantes et les sages.
Alors, j'espère que tu ne nous abandonneras pas. Mes gamins ont besoin de toi...
Mais j'aimerais aussi me présenter.
Je m'appelle Denis Fabé, et j'ai 40 ans. Je suis bien sûr prof
au collège, mais je m'occupe aussi de recherche et de formation
pédagogique. C'est pour cette raison que je ne suis que 3 jours dans mon
établissement. Je travaille aussi avec de jeunes profs et je mène avec
une collègue, une recherche sur l'oral dans la classe.
Je travaille aussi dans une revue de didactique où je publie des articles.
En me relisant, je m'aperçois que je me présente comme un pur
intello, mais en fait, j'aime le rire, la vie, la lumière et les gens.
Je viens des Pyrénées mais cela fait 15 ans que je vis dans le nord de
la France. Voilà...
Bientôt, nous serons en vacances; et nécessairement, nous allons être silencieux. Ne t'inquiète pas.. A très bientôt..
Denis..
Je t'écris depuis mon bureau. Mon chat Toupie me regarde..''

…………..Par le
présent message, il me rassurait aussi sur ma façon de procéder, me
demandant de continuer de cette manière qu'il qualifiait de grande
réussite auprès de ses élèves.
**
J'aimerais ici vous faire lire le texte de Fabien et tous les autres,
mais j'ai perdu ce précieux dossier lors d'un formatage fait par
une tierce personne, et j'en suis désolée. Je suis certaine que vous
auriez apprécié.
.......................................
Au cours de la période des Fêtes, M. Fabé avait plus de temps à
me consacrer et nous avons commencé une communication plus régulière.
Après ses explications, j'avais compris que ce n'était pas très facile
pour les élèves d'envoyer des messages régulièrement.
Plusieurs
étaient déçus de ne pas avoir assez de temps pour me dire tout ce qu'ils
avaient à me confier. Souvent, ils se confiaient au professeur afin
qu'il me transmette l'information.
C'était souvent lui qui se retrouvait avec plusieurs messages à
m'envoyer. Les élèves qui avaient de gros problèmes dont ils voulaient
me faire part, sans s'en rendre vraiment compte, informaient leur
professeur de sujets qu'ils n'auraient probablement jamais abordés avec
lui mais, comme il était la voie, le transmetteur, ils le faisaient comme
si c'était la seule façon de me rejoindre.
Par ce
procédé, quelques jeunes qui vivaient des problèmes dont ils ne
faisaient pas mention habituellement, s'ouvraient à nous. Il était à ce
moment-là plus facile de leur conseiller d'aller consulter au service
social de leur collège, ou les diriger vers une personne ressource qui
pourrait les aider à trouver avec eux des solutions.
Ils me posaient souvent des questions sur nos forêts. Ce sujet
semblait les intéresser beaucoup. Je décidai donc de leur raconter dans
mes mots, les souvenirs qui me venaient à l'esprit.
* Dans mon texte j'emploie plusieurs anglicismes, c'est voulu et vous aurez l'explication plus tard.
Les forêts et les chantiers.
On nous dit qu'il y a beaucoup de forêts chez toi, tu peux nous en parler?
Certainement,
je vais vous raconter mes premières aventures dans les grands bois de
mon pays, et plus particulièrement au Québec où les forêts étaient une
des principales ressources naturelles.
Je vous ai
déjà dit que mes parents n'avaient que moi comme enfant, cela donnait à
ma mère l'opportunité de suivre mon père dans son travail.
Le travail
de coupe de bois était très demandé à ce moment-là, mais c'était un
travail difficile et qui demandait beaucoup d'endurance physique de la
part des bûcherons. Ce travail exigeait aussi beaucoup de patience de la
part des femmes restées à la maison avec les enfants. On appelait ça
''faire chantier''. Cette période durait appro-ximativement de sept à
neuf mois, entre septembre, avril et mai, dépendamment de la température.
Ce n'était
pas un travail de 8 heures à 16 heures mais plutôt des journées
complètes c'est-a-dire tant qu'on y voyait quelque chose
Mon père
était un "jobber" ( un anglicisme qui veut à peu près dire contracteur). C'est lui qui était responsable des hommes qu'il employait.
Habituellement,
la coupe du bois se faisait très en profondeur dans la forêt où il n'y
avait absolument rien de construit. Nous nous y rendions soit en gros
camions ou, l'hiver, en ''snowmobile''.
Habituellement les campements de mon père étaient situés en haut de Mistassin.
La neige arrivait de bonne heure dans les chantiers et l'hiver était long, il me semble, beaucoup plus que maintenant.
Il fallait
se préparer pour recevoir beaucoup de monde pour la coupe du bois. On
construisait alors un campement en bois rond qui ressemblait à un petit
village.

Ici, les hommes collaborent à la construction du campement
D'abord une
très grande bâtisse en bois rond qui servait de "cokerie ". On pouvait y
attabler des dizaines de personnes facilement. Naturellement tout le
mobilier était fait sur place avec de la planche équarrie, et il fallait
faire attention de ne pas s'enfoncer des échardes dans les mains.
Ensuite les dortoirs où, dans une grande salle, on trouvait des
lits superposés. Quand je dis "lit " c'est un bien grand mot … Enfin,
c'était une place pour s'étendre sur des planches de bois recouvertes de
foin et de couvertures de laine grise. Selon les besoins, on pouvait
retrouver plusieurs dortoirs de ce genre.
Plus loin,
venaient les écuries où des douzaines de chevaux passaient la nuit. Très
tôt le, matin au levé du soleil, ils accompagnaient les hommes dans
leurs rondes de coupe de bois.
On y
retrouvait aussi un genre de magasin général souvent tenu par un
commis/comtable et où on pouvait retrouver différentes choses de
première nécessité. Il y avait aussi des campements un peu plus
habitables pour les "forman " enfin un "schack " pour le "boss " en
l'occurrence mon père et sa famille.
Ça ressemblait à un très petit village d'une quinzaine de bâtisses blotties au creux de la forêt.
J'ai oublié de vous parler des toilettes, on appelait cela des ''bécosses'', ce nom venait d'un anglicisme "back house".
C'était une
cabane plus large que longue qu'on retrouvait à l'extérieur du
campement. L'intérieur ressemblait à un long banc fait de quelques
planches dont certaines manquaient, vous comprendrez pourquoi.
Naturellement il n'y avait aucun chauffage, et l'hiver il fallait être
bien décidé pour s'y asseoir quelques instants.
Je me
rappellerai toujours de ce mot car il évoque pour moi un souvenir
angoissant car quand j'étais toute petite, quatre ou cinq ans, je suis
tombée dedans, houache !
Heureusement mes petites mains ont réussi à me sortir de là en
me hissant à l'extérieur à l'aide des racines d'arbres qui dépassaient
ici et là, disons que je n'aime pas tellement évoquer ce souvenir.
Je me souviens très bien, c'était au début de l'automne.
Il faisait très beau et un de mes cousin, Vincent, était aide
Cook, et quand il a entendu mes cris il est sorti et a tout de suite
évalué la situation dramatique dans laquelle je me débattais. Il a sorti
un grand seau dans lequel il faisait les lavages et c'est dehors que
j'ai eu un bain…..devant la majorité des gars qui avaient entendu mes
cris de mort.

Ici mon cousin Vincent à qui je dois mon premier bain public..(;-))
Le campement
de bûcherons pouvait regrouper des dizaines d'hommes qui travaillaient
soit à la coupe du bois, au transport des billots, au mesurage, au
marquage et finalement à la drave. Pas d'électricité, pas d'eau
courante, des poêles de fortune faits avec de gros barils de fer… Nous
étions à des dizaines de kilomètres de toute civilisation mais je crois
que tous ceux qui ont vécu cette vie au grand air en gardent de très
bons souvenirs.
Les
campements étaient toujours situés près d'une rivière pour des besoins
évidents de ravitaillement en eau potable, pour les besoins des chevaux
et pour la drave.
C'est quoi la drave ?
C'est
l'étape qui vient après que le bois a été mesuré et marqué au nom des
scieurs. On jetait le bois dans la rivière. Au dégel, les pitounes de
bois suivaient le courant et descendaient tout le long de la rivière qui
pouvait avoir plusieurs kilomètres de long.
À son
embouchure se trouvait habituellement un moulin à scie qui reprenait ces
billots pour en faire différents usages. La drave était très difficile
pour les hommes, car il s'agissait de suivre à pied tout le long de la
rivière et de rejeter les billots à l'eau parce qu'ils avaient été
arrêtés par des arbres ou par des rochers.
C'est à la
fin du printemps, quand le dégel arrivait que la drave commençait. La
forêt était pleine de petites mouches noires et de maringouins qui
piquaient sans arrêt. En plus de se déplacer continuellement dans les
branches, sur les rochers et traverser des chutes pour rejeter
continuellement à l'eau le résultat de leur dur labeur, les bûcherons
avaient à vivre ainsi plusieurs semaines de campement d'un endroit à
l'autre pour enfin arriver à bon port, précédés d'un amoncellement de
bois de pitounes.
Est-ce que tu allais faire des randonnées dans la forêt ?
Il y avait
très peu de femmes à part ma mère et la femme du cuisinier qui
demeuraient au camp. J'étais le seul enfant. Je ne vous cache pas que
j'étais choyée et j'étais aussi pas mal laissée à moi-même.
Tu étais choyée ? Oh ! pardon, nous t'avons tutoyée.
Ce n'est pas grave, je pourrais être votre grand-mère et on est entre amis!
Oui, notre grand-mère d'au-delà l'Atlantique. Alors, quand tu étais dans la forêt, les bûcherons te choyaient ?
Bien
entendu, lorsque les hommes me voyaient, ils pensaient à leurs propres
enfants qu'ils ne reverraient pas avant quelques mois, et j'attirais
beaucoup leur attention. Ils avaient toujours un bon mot pour moi, ils
m'envoyaient la main ou un baiser du bout des doigts, je riais et leur
répondais de bon cœur. Je les voyais plutôt à l'heure des repas et les
rencontrais quelques fois lors de mes excursions dans les bois.
Tu ne t'ennuyais pas trop ?
J'essayais de m'amuser un peu, mais comme il n'y avait pas
d'autres enfants il fallait que je me trouve des occupations, mais
j'étais une enfant heureuse et je trouvais toujours quelque chose a
faire.
Mon oncle
Clément m'avait montré comment étendre des collets pour capturer des
lièvres sauvages. Mes amis étaient les chats et les chiens, ils devaient
me considérer comme une des leurs, car aussitôt que je sortais dehors,
je les voyais arriver en sautant et en courant autour de moi. De fait,
c'était les meilleurs amis que je pouvais avoir et j'appréciais beaucoup
leur compagnie.

Ici à deux ans et demi avec mon oncle Clément et les petits minous .
J'avais à
peu près cinq ans, c'était l'hiver. Je suis partie un jour pour aller
vérifier mes collets à lièvre comme je le faisais assez souvent.
J'étais tellement prise dans ma recherche de pièges que je ne me suis pas rendu compte que je m'éloignais beaucoup du campement.
J'étais
perdue. Je suis montée sur une colline et, après quelques temps qui
m'ont paru des heures, j'ai vu le feu du campement. Il m'a été assez
facile de retrouver ma route par la suite.
Bien sûr, je n'ai rien dit à personne! J'avais bien trop peur qu'on me défende d'y retourner.

Je ne sais
pas si tout ce que je vous raconte est réellement arrivé ou si c'est le
fruit de mon imagination, mais ce sont ces images qui viennent à ma
mémoire lorsque je vous fais part de mes lointains souvenirs.

En regardant cette photo un souvenir me revient en mémoire.
Nous venions
d'arriver au campement, j'avais perdu la vision de l'oeil gauche et je
portais des lunettes que j'avais perdues à la
descente du snowmobile. Imaginez-vous, essayer de retrouver dans
lunettes dans plusieurs pouces de nouvelle neige, impossible, me
direz-vous.
Pour moi
c'était important et je risquais de perdre de la force dans mon autre
oeil, et comme c'était au début de l'hiver, pas moyen d'en avoir d'autres
avant
plusieurs mois.
Ma mère qui
avait une grande confiance à Saint-Antoine de Padoue disait des prières
et faisait des promesses afin qu'on retrouve mes lunettes. Tout le monde
des
campements avait été averti et tout le monde disait que c'était
impossible qu'on les retrouve avant la fonte des neiges. Le soir de la
troisième journée une personne est venue voir mon père pour affaire et
en se débottant, les lunettes sont tombées par terre......comme quoi il
ne faut jamais désespérer.
Quelle langue parlait-on dans cette forêt ?
C'était le
français en grande majorité, mais on employait beaucoup d'anglicismes.
D'ailleurs, j'ai fait exprès d'employer ces anglicismes que vous
retrouvez dans le texte. Déjà, nous ne faisions pas très attention à
notre belle langue française.
Il ne faut
pas s'étonner si, aujourd'hui, nous avons tant de misère à la garder
intacte. Maintenant, je repense à tous ces mots anglais qui étaient
employés fréquemment par des canadiens français.
Je me
demande d'ailleurs, d'où vient cette mode d'employer des mots d'une
autre langue à tout propos quand celle que nous détenons est si belle.

Ici mon père et son cousin, mon oncle Alphonse, au retour de
la chasse au petit gibier.
On utilisait des raquettes pour marcher sur la neige