Jean venait de perdre sa mère et il était très malheureux. Sa mère l'avait beaucoup gâté ainsi que son frère et ses sœurs.
C'est
toujours elle qui se levait la première tôt le matin pour chauffer le
poêle à bois et préparer le déjeuner. Elle allait même jusqu'à préparer
leur linge au pied de leur lit pour qu'ils n'aient pas à le chercher
Comme
Jean demeurait seul après ce départ, Céline a décidé de retarder son
entrée chez les religieuses; en fait, jusqu'à ce que Jean soit casé .
Elle avait un poste d'enseignante qui l'attendait à St -Alexis. Tous les
deux semblaient se satisfaire de cet arrangement
Les
membres de la
famille avait du mal à supporter ce départ qui était arrivé si
brusquement. Il fallait désormais prendre des responsabilités auxquelles
ils n'étaient pas habitués. Leur mère avait toujours été là pour eux.
Jean
avait changé. Je le sentais moins patient et nous nous chicanions
souvent. A la moindre étincelle, le ton montait et je n'étais pas non
plus à prendre avec des pincettes.
Il avait apporté son tourne-disque chez nous et quand nous allions au salon, jamais seuls, nous écoutions de la musique.
Quand
il partait fâché après moi, il me disait que c'était fini mais
laissait toujours ses disques à la maison. Quelques heures plus tard,
quand il revenait, c'était moins gênant, il avait une bonne excuse. La
chicane finissait toujours par une réconciliation.
Plus
il était malheureux, plus il essayait de se rapprocher de moi. Quand
nous avions quelques moments d'intimité, je trouvais qu'il avait les
mains pas mal baladeuses, j'avais même pris la très mauvaise habitude de
lui donner des gifles dans la figure.
Ne faites surtout pas cela. Quand j'y pense, cela n'avait aucun
sens, mais la peur de faire un péché était devenue une obsession. Je
réagissais de cette manière très peu recommandable pour le rappeler à
l'ordre.
Nous
étions encore très peu renseignés sur la sexualité. Après un baiser un
peu plus long que les autres, cela était rare, je restais quelque temps
bien songeuse: j'avais si peur d'être enceinte.
Ne souriez pas. Je suis très sérieuse quand je vous raconte cela.
Jean,
quelques mois après le décès de sa mère est allé faire une retraite
fermée chez des religieux, à Trois-Rivières. Il en a rapporté un livre
qui parlait de tout ce qu'un adolescent devrait savoir.
Ma
mère l'a un jour retrouvé dans ma chambre. Gros drame à la maison! Elle
a même montré l'image d'une femme qui attend un enfant à mon père.
Le
livre était très bien fait. On pouvait voir le fœtus dans sa
progression. On le voyait à différentes étapes de sa formation.
Eh bien, le livre a été jeté au feu. Moi, j'ai été punie pour
plusieurs jours. Leurs peurs les rendaient sans bon jugement.
Est-ce que c'était un livre pornographique ?
Pas
du tout, c'était un livre d'information. Je crois que ce qui était
raconté, est expliqué en classe primaire de nos jours. Les enfants plus
jeunes que vous en connaissent sûrement plus que ce que nous pouvions en
savoir à l'aube de notre mariage.
Ce
n'est pas en laissant des gens dans l'ignorance qu'on évite les
catastrophes. Je trouve que ce manque de formation est aussi grave que
de laisser quelqu'un conduire une automobile en ne lui apprenant rien
des dangers qui l'attendent.
Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, nous étions très
frustrés tous les deux. Les disputes étaient fréquentes mais jamais
longues. Jean faisait les premiers pas. Il ne m'en donnait pas le temps,
et il faut dire que j'étais déjà très indépendante.
Vous êtes- vous enfin fiancés ?
Non,
pas tout de suite. Pourtant moi, j'avais bien hâte de partir de la
maison. Pour Noël, Jean m'avait fabriqué un beau coffre de cèdre pour
mettre mon trousseau. Depuis longtemps déjà, j'achetais toutes sortes de
petites choses qui me serviraient plus tard. J'étais bien contente
d'avoir un endroit pour les entreposer.
Depuis
les fêtes, mes parents avaient acheté une télévision. C'était tout
nouveau et cela suscitait beaucoup d'intérêt. Seules quelques familles
en possédaient une. Nous étions devenus tout à coup très populaires
auprès des voisins et amis. Tous voulaient voir de quoi çà avait l'air.
Comme
toutes choses nouvelles, les suppositions allaient bon train. Certains
disaient que ce n'était pas bon pour la santé, que nous deviendrions
aveugles… Chacun émettait toutes sortes de prédictions plus
abracadabrantes les unes que les autres. Naturellement, seules les
personnes qui ne pouvaient pas se procurer cette boîte parlante ou
celles qui avaient peur du progrès colportaient ces rumeurs.
Pour
avoir une réception valable, il fallait faire installer au dehors une
tour assez haute pour pouvoir capter les ondes. Les résultats n'étaient
pas toujours satisfaisants. Parfois, il y avait tellement de neige
sur l'écran que nous devinions plus que nous voyions ce qui se passait
vraiment.
Naturellement, c'était en noir et blanc.
Vers
la fin d'avril, nous sommes allés mes parents et moi faire un tour au
Lac-St- Jean, pour un mariage ou une sépulture, je ne me souviens plus
au juste. Comme mes parents se préparaient à revenir chez nous, j'ai
demandé la permission de rester en promenade encore une dizaine de
jours, demande qu'ils ont finalement acceptée après fortes
recommandations.
Où
croyez-vous que je voulais aller ? Bien oui, chez Annette. J'avais des
fourmis dans les jambes et j'avais hâte d'aller danser. Elle m'avait
informée de toutes les soirées qui s'annonçaient et n'avait pas eu de
difficultés à me convaincre de rester quelques jours.
Pour
moi le fait de prendre le train toute seule pour retourner à Saint-Alexis ne m'inquiétait pas du tout. Je l'avais fait à plusieurs
reprises.
La
première fois, c'était au décès de ma grand-mère maternelle. J'avais
juste douze ans et sans qu'elle le sache, j'étais allée retrouver ma
mère. J'avais auparavant réussi à joindre mon père au téléphone dans le
bois et je l'avais supplié de me laisser partir. Je lui mentionnais que
ma mère serait bien seule pour revenir et qu'elle apprécierait
certainement de la compagnie.
Je
dois vous avouer que le fait de voyager toute seule m'apportait
d'énormes satisfactions. Toutes les excuses étaient bonnes pour me
permettre de m'évader un peu.
Pour
en revenir à mes sorties prévues avec Annette, tout s'est passé comme
prévu. Elle avait averti un petit voisin qui me connaissait et qui était
très heureux de me servir de cavalier.
J'étais
assez sélective pour mes amis mais comme il était bien élevé et assez
beau garçon, j'ai accepté avec empressement. J'aimais mieux avoir près
de moi quelqu'un que je connaissais que de passer dans les bras de l'un
ou de l'autre pour danser les sets carrés ou les autres danses.
Même
si je m'amusais beaucoup à ces soirées, je n'aurais pas aimé vivre dans
cette atmosphère tout le temps. Voir ces jeunes gens boire autant me
déprimait. J'avais une aversion pour les gens en boisson et je m'en
tenais loin, très loin.
Il
était bien entendu avec Annette, que nous retournerions à la maison quand
j'en exprimerais le désir. Je trouvais cela super de m'amuser bien
innocemment pendant quelques jours au cours de mes visites. Mais je
savais bien que ce mode de vie ne serait jamais le mien.
Les gens semblaient aller là pour s'étourdir et peut-être oublier leurs
soucis pendant quelques heures. Ils avaient peut être tout simplement
plus le tour que moi de s'amuser
Il
n'y avait pas d'échange verbal possible dans les salles, la musique
étant tellement forte que nous ne pouvions pas avoir une conversation
suivie. Plusieurs allaient dehors ou allaient finir les soirées dans les
autos stationnées, moi, ce n'était pas ce que je recherchais non plus
Il ne me restait que trois jours de vacances. Mon billet était acheté
et je me disais que je pourrais me reposer dans le train. Le voyage
était très long, plus de douze heures avec les arrêts.
Un
jour, alors que j'étais allé chercher le courrier pour tante Irma, je
me suis arrêtée devant une vitrine où on exposait une robe de mariée.
Je
suis entrée et comme la robe était à ma grandeur, je l'ai achetée avec
l'argent que j'avais gagné avec mon petit commerce. Arrivée chez tante
Irma, tante Bella était là avec une cousine. Bien sûr, elles se
demandaient bien ce que j'avais bien pu acheter dans ce magasin de
confection. Toute contente, j'ai sorti la fameuse robe.
Cris
d'exclamations ! On m'a demandé quand donc j'allais me marier. J'ai
répondu que je n'en savais rien mais que, lorsque je reviendrais, Jean
se serait tellement ennuyé qu'il me demanderait sans aucun doute en
mariage.
Autres
exclamations et mines déconfites ! Toutes ces dames me prenaient pour
une vraie folle ! Ça ne changeait pas beaucoup ! C'est souvent qu'elles
avaient eu ce sentiment envers moi qui étais une petite garçonnière.
Cette fois- là, elles avaient un peu raison.
Qu'est- ce que tu as fait, tu es allée la reporter ?
Pas
du tout, je l'ai gardée. Je savais qu'elle servirait avant peu de
temps. Ce n'était pas la plus belle robe qui existait, mais moi elle me
plaisait. C'était le principal.
Mes
tantes m'ont demandé de l'essayer devant elles. Pas de problème! Toute
heureuse, j'ai défilé devant leurs yeux inquisiteurs. Elles ont essayé de
me décourager en me disant que ce que je faisais ne se faisait pas, que
si un jour j'étais sur le point de me marier, je serais bien mieux
d'aller à la ville pour mes achats, que j'aurais bien plus de choix…
C'était
peut-être un geste de bravade de ma part, mais je crois que c'était la
première fois que j'achetais quelque chose pour moi, sans avoir à faire
de compromis.
Avec
ma mère, c'est rarement que j'obtenais ce que je voulais ni ce que
j'aimais vraiment. Alors pour une fois, j'avais fait à ma tête, j'avais
dix -huit ans et je l'avais gagnée.
Ma
mère était pourtant une bonne couturière et elle avait beaucoup de
goût. Elle me faisait presque tous mes vêtements. Je dois l'avouer, même
si ce qu'elle confectionnait n'était pas toujours à mon idée, elle
réussissait toujours à faire de belles choses.
Pour
ce qui est de ma robe de mariée, mes tantes se sont bien vite aperçues
que je ne changerais pas d'idée. Elles m'ont donc conseillée pour ce qui
est des accessoires et du voile.
Elles
étaient toutes les deux des personnes de goût et très habiles de leurs
mains. Une savait où trouver exactement la dentelle pour le voile. La
robe avait besoin d'un léger ajustement. Tout le monde s'est mis à la
tâche et quelques heures plus tard, j'avais l'ensemble de mariée complet…
mais pas de mari déclaré.
Quand
ces souvenirs me reviennent aujourd'hui, je trouve cela bien drôle mais
je ne regrette rien. J'étais assez sûre de moi. Mais comme à cette
époque ce n'était pas fréquent de montrer autant confiance en soi, mon
attitude dérangeait beaucoup.
Que s'est-il passé par la suite ? As-tu eu ta demande en mariage ?
Tout
s'est passé comme prévu. Cela faisait quinze jours que j'étais partie
et Jean s'était beaucoup ennuyé. Il m'avait écrit souvent mais n'avait
pas toujours eu de réponse à toutes ses lettres. Vous savez en vacances,
on n'a pas toujours le temps d'écrire …
Nous ne pensions pas que tu étais aussi cruelle !
Je
ne crois pas que j'étais cruelle. Je savais que je reviendrais, mais
c'est vrai que j'aurais pu écrire plus souvent mais … C'est fait, je ne
peux rien y changer.
Il y avait aussi d'autres raisons pour lesquelles Jean et moi voulions nous marier.
Céline
avait retardé son entrée au couvent, et comme pour nous il était évident
que nous unirions nos destinées, nous ne voyions pas pour quelles
autres raisons nous retarderions cette union.
Ce mariage permettrait à Céline de faire ce qu'elle voudrait, sans avoir la sensation d'abandonner son frère.
Nous avions aussi très hâte d'être libres et de nous aimer comme nous le désirions.
Nous
étions en mai. Si nous voulions nous marier cet été là, il y avait
beaucoup de choses à faire. Premièrement avoir la permission des parents
puisque je n'étais pas majeure car dans ce temps là c'était 21 ans..
Cela ne nous inquiétait pas trop, ils semblaient avoir leur voyage de me
surveiller.
Comme
nous le prévoyions, ils ont accepté tout de suite. La date du 30
juillet 1955 a été choisie. Mon père serait en vacances et c'est le
moment qu'il préférait. Jean n'avait pas encore un emploi régulier. La
date importait peu, pourvu que je dise oui.
J'ai
fait venir un catalogue de bagues de fiançailles. Jean et moi en avons
alors choisi une, elle n'était pas très dispendieuse mais nous pouvions
nous permettre cette petite dépense.
Quelques
jours plus tard, alors que notre commande était partie, j'ai reçu un
autre catalogue. En le feuilletant, j'y ai trouvé une bague bien plus
jolie que celle que j'avais commandée et un peu moins cher.
Quand
j'en ai parlé à Jean, il n'a pas du tout apprécié que je change d'avis
aussi inopinément. Surtout pour une bague de fiançailles! Je n'ai pas
voulu en démordre : je n'aimais plus la première, je voulais la seconde.
Il
est parti très fâché ce soir-là pour aller faire ses vues. Le
lendemain, lorsque j'ai su que j'avais un paquet dont je connaissais
trop bien la provenance, je l'ai retourné à l'expéditeur.
Quand
Jean est venu voir si j'étais revenue à de meilleures dispositions, je
lui ai avoué que j'avais retourné la première bague et que si ça ne
faisait pas son affaire, je ne me marierais pas, point à la ligne.
Eh bien, Wilda, tu n'étais pas commode !
Non,
pas tellement, en effet. Toute ma vie j'avais fait ce que les autres
voulaient que je fasse et je n'avais pas l'intention de faire analyser
tous mes faits et gestes dans l'avenir. Je ne voulais pas en me mariant,
perdre ma personnalité.
Contrairement
à bien d'autres jeunes filles, je me suis mariée pour être libre et non
pas pour me faire dicter ma conduite. Je jugeais donc que je ne devais
pas porter toute ma vie une bague que je n'aimais pas beaucoup, je
l'avais choisie en étant très raisonnable
Il
me semble que ça coûtait $ 35.00, toute une fortune pour nous qui
n'avions pas grand` chose. Dans ce temps- là, quand on se mariait, on le
faisait pour toute la vie.
Qu'est-il arrivé par la suite ? Pourquoi dis-tu que contrairement aux autres tu te mariais pour être libre ?
Bien
quand Jean a bien vu que je ne changerais pas d'avis, il est revenu me
voir. Il m'a dit qu'il comprenait ce que je voulais. Je lui ai expliqué
que ma ténacité n'avait rien à voir avec les fiançailles, mais avec mes
principes.
Comme
vous pouvez le voir, les choses se passaient bien différemment
d'aujourd'hui. Probablement que si j'en avais eu la possibilité, je ne
me serais pas mariée aussi jeune.
Même dans ce temps là, c'était trop jeune pour décider de tout notre
avenir. Il n'y avait pas de divorces comme aujourd'hui. Était-ce une
chance? Je ne sais pas, mais avec le recul je pense en toute franchise
que si cela avait été possible il n'y aurait pas autant de mariages de 40
ou 50 ans.
Jean et moi n'avions pas pour ainsi dire vécu de fréquentations satisfaisantes.
Tous
les soirs de bonne veillée, c'est le terme qu'on employait pour parler
des soirs où normalement les gens faisaient leur cour, Jean
travaillait. Les soirs où il venait à la maison, nous étions tous
ensemble dans le salon. Le fait de m'asseoir près de lui en lui tenant
la main semblait bien suffisant pour mes chaperons.
Ils avaient même la gentillesse de venir le reconduire jusque dans l'entrée, je rageais.
Quand
j'utilise l'expression "fréquentations satisfaisantes", c'est à toute
une liste d'attitudes que je pense : se connaître mieux, pouvoir se
permettre des sorties à l'extérieur, aller visiter des lieux que nous ne
connaissons pas, planifier une sortie au restaurant, en fait, pouvoir
se parler vraiment, sans personne autour et aussi bien sur se donner
quelques marques d'affection.
Aller
danser ensemble comme les jeunes aiment tant le faire. Habituellement,
une jeune fille qui se mariait, prenait le nom de l'époux et devenait
Madame Untel. On aurait dit qu'elle devenait le pendant de monsieur.
Elle n'avait plus de personnalité propre à elle.
Les
hommes en général étaient assez machos. Au moment du mariage, ils
devenaient les maîtres, l'autorité absolue. La femme qui se pliait à
cette coutume perdait toute liberté et identité. Naturellement, moi je
pensais exactement le contraire.
Cela ne devait pas être intéressant de se marier dans ces conditions ?
C'était
une conception du mariage tel que je le voyais autour de moi.
Peut-être n'était-ce pas aussi dramatique ? Mais moi, c'est ce que je
pensais et je ne voulais surtout pas que ça m'arrive.
Je
crois que j'ai une grande qualité, qui peut être aussi un défaut
parfois. Quand il y a quelque chose qui ne marche pas, je vois la
personne et je l'oblige à en parler. Il doit y a aussi le respect qui
doit être de part et d'autre.
Quand
il y a un problème, il faut que je le règle le plus tôt possible. Si je
ne peux parler avec la personne ou si elle refuse de m'entendre, je lui
écris. Après, je me sens bien, j'ai fait mon bout et si l'autre ne veut
pas répondre, c'est son problème.
J'ai
toujours cru qu'une bonne relation devait être fondée sur une bonne
communication. Comment peut-on venir d'accord sur un sujet, si les
parties n'ont pas la même vision des choses? C'est en s'expliquant qu'on
peut se rajuster et en venir à un accord réciproque et être sur la même
longueur d'onde.
Moi,
et je le répète, je me mariais en grande partie pour acquérir une
certaine liberté. Être libre pour moi ce n'était pas négatif, cela ne
voulait pas dire sortir avec n'importe qui, n'importe quand, pour faire
n'importe quoi.
Cela
voulait dire être moi-même dans mes pensées et dans mes actions, avec
mes bons et mes mauvais côtés. Je me disais que si nous prenions
l'habitude de communiquer, que si nous avions du respect l'un pour
l'autre, puisque nous nous aimions, nous pourrions passer au travers
bien des difficultés.
Jean a eu sans doute des difficultés à me voir et à m'accepter ainsi. Je crois qu'il se faisait une tout autre idée du mariage.
Il
aurait aimé avoir une petite femme qui l'attendrait bien sagement à la
maison en lui préparant de petits plats. Elle lui préparerait aussi ses
vêtements, comme sa mère le faisait tous les matins. Elle ne vivrait que
dans l'attente de son retour du travail. Elle ne le contredirait jamais
et ferait tout ce qu'il voudrait. Une esclave quoi !
Nous
avions tous les deux des modèles de couples qui vivaient de cette façon,
mais nous n'avions pas la même perception des choses. Disons que j'avais
peut-être un peu d'avance sur la façon de penser de la majorité des
gens de ma génération.
Des ajustements difficiles ne manqueraient pas de nous atteindre l'un
et l'autre dans l'avenir avec une vision si différente de notre façon de
voir..
C'est
conscients de toutes ces interrogations que malgré notre jeune âge,
nous nous apprêtions à franchir la dernière étape qui nous unirait
pour la vie.
Nous
nous aimions et nous nous lancions dans cette grande aventure, le cœur
confiant. Nous étions sûrs que toutes les expériences passées nous
aideraient à vivre en harmonie dans le respect de nos différences