Chapitre 15

Chapitre 15

Nantes

La semaine s’annonce différente, mais tout aussi intéressante.

Lundi midi, Pascal me conduisait à la gare de Lille afin de prendre le TGV pour me rendre à Nantes où je devais rencontrer Marie Françoise quatre heures plus tard.

J’avais dans mes bagages les aquarelles que j’avais faites pour mes amis ainsi que quatre exemplaires du Livre de Wilda que la direction du collège m’avait remis.

Dans le train, mon compagnon de voyage était un homme d’affaires, cadre dans une grande compagnie française des télécommunications. Après une demi-heure de covoiturage, nous avons entrepris une conversation, et naturellement je lui ai raconté mon histoire. Au départ, je crois qu’il avait prévu de travailler dans les documents qu’il avait devant lui, mais il ne savait pas qu’il ne faut pas m’adresser la parole ou poser une question, car quand Will est partie, c’est dur à arrêter. (;-))

Il semblait intéressé et me posait des questions sur le fonctionnement d’Internet ici au Québec. La compagnie pour laquelle il travaille est une des importantes distributrices de services Internet en France. Je lui dis comment mes correspondants se plaignaient des tarifs astronomiques qu’ils avaient à débourser pour leur abonnement.

Ça ne changerait pas grand-chose, mais au moins il pouvait comparer. Il semblait intéressé par le son de cloche que je lui faisais de l’opinion des gens que j’avais côtoyés. Arrivé à Nantes, il m’aida à transporter ma valise. Il savait que je ne connaissais pas encore mon hôte, mais dès que je l’ai aperçue au milieu des autres personnes qui attendaient elles aussi, j’ai su que c’était elle.

Je suivais mon compagnon de voyage, elle ne s’occupait pas de moi, car elle cherchait une dame seule. Je me dirigeai directement vers elle, mon compagnon m’a devancée en disant à Marie-Françoise ; » Vous attendez une Québécoise ? » Et ce fut enfin la rencontre tant attendue.

Nous avions tellement échangé toutes les deux depuis plusieurs mois que c’est mon cœur ou mon intuition qui ont fait que je me dirigeais sans aucun doute vers elle.

Claude, son mari, nous attendait au-dehors et il nous conduisit à leur très belle demeure. De la rue, avec les arbres et les hautes clôtures, on ne pouvait pas se douter de ce qui nous attendait à l’intérieur et c’était une très agréable surprise.

Ils habitent une maison du début du siècle qui est de toute beauté et qui m’a paru avoir beaucoup de caractère. Quand ils s’y sont installés, voilà maintenant 47 ans alors que c’était beaucoup moins bâti, on l’appelait « le château », car le bourg était alors un quartier semi-rural.

Cette maison avait certainement déjà un cachet spécial pour qu’on la surnomme ainsi.  

J’étais accueillie comme une amie de la famille et tout de suite je me suis sentie en confiance. Claude, médecin et fils d’instituteur, n’est pas du genre à se laisser tutoyer. Je l’ai fait naturellement et cela semblait lui plaire. J’ai su par la suite que c’était la coutume dans la famille de se vouvoyer et que personne n’avait encore tutoyé ce personnage.

Mais plus que la beauté de la maison, c’était la chaleur de ses résidents qui fit qu’on s’y trouvait si bien. De ma spacieuse chambre au troisième, on pouvait voir une partie de Nantes et si n’eût été un arbre énorme devant ma fenêtre, j’aurais pu voir la ville entière. Le terrain est assez grand, rempli de verdure et de fleurs avec, au fond des jardins, un mur de pierres recouvert d’une belle végétation, c’est magnifique.

Avec Marie-Françoise, je me sentais en communion. Elle était comme la petite sœur que j’aurais tant aimé avoir. Elle non plus n’avait pas de sœur et comme je l’ai déjà mentionné, nous nous étions connues de l’intérieur, car depuis près d’un an nous communiquions.

Nous pensions la même chose sur plusieurs sujets. Nous nous étions fait des confidences, nous avions été aussi sincères l’une que l’autre et nous avions l’impression de nous retrouver après une longue absence.

J’ai eu le plaisir de rencontrer, à tour de rôle, ses enfants dont trois sur quatre sont dans la profession médicale ou paramédicale, ainsi que quelques-uns un de ses petits-enfants.

Un soir, au souper, Marie et Sophie, les aînées de ses petites-filles sont venues me faire un petit concert de violon. C’était fort sympathique.

Tout le temps où j’ai séjourné chez eux, je me sentais chez moi. J’ai goûté avec délice à plusieurs plats cuisinés par Marie-Françoise. Tous étaient aussi délicieux les uns que les autres, les vins appropriés accompagnaient toujours les repas.

La journée de mardi avait été planifiée pour aller à la rencontre de Roger, son épouse ainsi qu’un de leurs amis, Jean. Il avait été convenu que nous les retrouverions pour le dîner (en France, nous dirions le déjeuner) dans une auberge au bord de la Loire. L’endroit choisi,  »Le Relai de la Côte de Jade  » avait beaucoup de classe et c’est dans la joie que s’est déroulée cette rencontre tant attendue.

Arrivées un peu à l’avance, nous avons fait un petit tour. En revenant au stationnement, je vis de dos un homme seul sortir d’une auto. Je dis à Marie-Françoise d’arrêter en lui disant que cet homme était Roger. Elle me répondit que je devais me tromper, car il devait être accompagné, mais moi, je sentais que c’était lui. Je m’approchai de lui en disant ;  »Allô Roger !  » Il se retourna tout surpris, car c’était bien lui. (:-)) Il expliqua qu’il était revenu chercher quelque chose dans l’auto.

Et là, ce sont les exclamations et les rires. Jamais nous n’avons été sérieux lors de nos échanges. Nous passions notre temps à faire des farces. Si quelqu’un avait entendu nos conversations sur ICQ il aurait facilement pensé que nous étions de jeunes adolescents tant notre discours était léger. Jamais nous n’avons été grivois ou quelque chose de semblable. Nos messages étaient, la plupart du temps, accompagnés de GIF animés étant censés nous représenter. Je lui avais fait croire que je pesais 90 kilos. Quand je pouvais trouver des GIF de grosses personnes, les pires que je pouvais trouver et bien vous pouvez être certains qu’ils accompagnaient mon message et ma signature.

Tout le long des mois que nous avons correspondu, nous n’étions donc sûres de rien nous concernant l’une et l’autre. Il faisait une journée magnifique et nous étions tous très excités par ce qui se déroulait, j’avais l’impression d’être en train de jouer dans un film. Les présentations faites nous nous préparions donc à faire plus ample connaissance.

C’est quand même spécial de se retrouver en face de quelqu’un que nous ne connaissons que par sa correspondance sur Internet. C’est si facile de se prendre pour un autre. Facile de se forger une façade selon nos désirs ou aspirations. Berner et se faire berner est monnaie courante sur le web. L’image que nous projetons n’est pas toujours conforme. Même avec un sens critique, plusieurs se font prendre aux jeux.

Moi, je me suis imposé comme ligne de conduite d’être franche dans tous mes échanges. Je mets toujours cartes sur table dès le début de notre communication. Mes correspondants savent au tout début que je suis une femme dans la soixantaine, mariée et qui ne cherche pas d’aventure.

La personne pour qui ces critères ne correspondent pas à ses attentes ne persistera pas longtemps et s’éliminera d’elle-même.

Avec Roger, même si nos échanges avaient été empreints d’humour, il y avait quand même un fond de respect pour l’autre. Je crois qu’autant pour lui que pour moi, il ne nous serait pas venu à l’idée de tromper l’autre sur des sujets sérieux.

Je savais que Roger était marié avec une femme formidable et qu’ils étaient très heureux ensemble. C’est donc avec un plaisir que je fis enfin leur connaissance physique.

Bien que notre cuisine soit renommée, au Québec, nous entendons souvent parler de la fine cuisine française. J’ai eu enfin la chance de vérifier par moi-même, je pouvais, au cours de ce repas déguster des fruits de mer au goût exquis.

J’avais laissé entendre au cours d’une conversation avec Marie-Françoise que je préférais le vin rouge. Comme je m’étais absentée quelques instants, mes hôtes ont décidé de commander un vin rouge de la Loire, un Saumur Champigny bien que tous préféraient du vin blanc avec le repas. Naturellement, je n’ai appris que cela plus tard. J’aurais été bien mal à l’aise d’avoir, bien malgré moi, privé mes hôtes de ce qu’ils aimaient. Naturellement, j’aurais tout aussi bien bu du vin blanc avec eux…

Cela démontre quand même de quelle belle façon ces personnes avaient décidé de me faire passer des moments inoubliables. Je n’ai jamais mangé de crème brûlée ainsi apprêtée, rien à voir avec ce que je connaissais déjà de ce dessert.

Avant de partir, Roger me donna les coordonnées du guide qu’il m’avait trouvé pour les trois jours que je passerais à Paris. Madeleine me dit aussi que probablement, son fils Michel trouverait un peu de temps pour me faire voir la Ville Lumière sous les étoiles; naturellement, j’étais bien contente.

Nous ne vîmes pas le temps passer et bientôt, l’heure vint de se quitter. Durant ces quelques heures, j’avais eu l’impression que les liens d’amitié qui s’étaient créés et renforcés revêtaient une importance particulière pour chacun de nous.

Je ne sais pas si c’est le fait que tout cela avait été planifié et attendu avec tant de fébrilité, mais je peux dire que ce court laps de temps a accentué le sentiment d’amitié qui nous unissait.

Il nous resterait toujours quelque chose de spécial de cette rencontre merveilleuse.

Mon âme sœur

En revenant à la maison, Marie-Françoise et moi étions très contentes de notre journée. Nous nous fîmes alors des confidences. Nous étions comme deux âmes sœurs qui se comprennent à demi-mot.

Notre sortie ne l’empêcha nullement de me faire goûter, au repas du soir, à une spécialité basque : une piperade avec du jambon de Bayonne. Sa famille paternelle étant d’origine du Pays de Basque, elle m’avoua qu’elle aimait bien faire goûter les spécialités du terroir quand elle avait des invités de marque   (;-))

J’étais tellement heureuse. Je me sentais en paix. La seule ombre au tableau était quand je pensais à Jean qui était resté seul. Je savais que pour lui ce n’était pas facile. J’avais toujours le cœur rempli d’amour pour lui. Je savais que si je n’avais pas eu son assentiment pour faire ce voyage, je n’aurais pas pu profiter autant de la chance qui s’offrait à moi.

Heureusement, je pouvais communiquer avec lui tous les jours sur Internet. Lui, qui n’avait jamais voulu apprendre à travailler sur cette petite machine, m’écrivait une phrase ou deux. Pour lui faciliter la tâche, j’avais noté par écrit les principales touches pour lire et envoyer un message. En répondant à l’expéditeur, il n’avait pas à se préoccuper des adresses et je pouvais toujours recevoir ses messages.

Je pouvais savoir qu’il travaillait très fort dans la cuisine à refaire tout le plancher. Je savais qu’il faisait très, très chaud depuis plusieurs jours. Je savais aussi que mon petit chien Scott était malade et qu’il empêchait Jean de dormir en le réveillant plusieurs fois par nuit. Je connaissais tellement bien Jean que je pouvais savoir qu’il trouvait le temps long.

De mon côté, je lui faisais le récit de tout ce qui m’arrivait. Ça le rassurait beaucoup et il était content pour moi. Quand on y pense, c’est vraiment merveilleux d’avoir pu ainsi communiquer en tout temps avec les nôtres, où que l’on soit et pour autant que l’on dispose d’un ordinateur branché.

Mercredi 16 juin

Nous nous préparons, Marie-Françoise et moi à rencontrer notre correspondante commune de Jérusalem qui venait nous rejoindre pour dîner à Nantes. La température est très belle et nous allons en voiture jeter un regard furtif sur la ville avant notre rendez-vous.

Au cours de cette promenade, nous passons devant des édifices anciens témoins du passé historique de la ville : le château des Ducs de Bretagne XVe et XVIe siècle, la Cathédrale XVe, l’île Feydeau qui exhibe une admirable série d’hôtels décorés de ferronneries et de mascarons truculents. Ils ont la particularité d’être un peu penchés.         

Ce qui rappelle le temps où Nantes, construite sur les îles de la Loire était appelée « la Venise de l’Ouest » C’est très beau.

Le quai bordant la Loire escalade une sorte de promontoire dominant le fleuve. Tout en haut de cette colline domine une grande statue de Sainte-Anne, patronne des marins bretons. Le panorama est superbe.

Je demande à ma compagne de me prendre en photo dans les marches qui descendent vers le port. Je m’installe sur la deuxième ou troisième marche, d’où je suis, je n’ai aucun appui.

Les marches sont en pierres rugueuses et disposées en pentes assez arides et au moment où mon amie va prendre une photo, je m’enfarge dans ma jupe longue et je suis en déséquilibre. Mon dos arqué vers le bas, dans un angle à 45 degrés. Je sens le danger qui me guette car je suis en très mauvaise posture, alors je me sens pousser vers l’avant ce qui me permet de reprendre mon équilibre. Nous sommes toutes les deux affolées et nous pouvons réaliser que je l’ai échappé belle.

C’est irréel ce qui vient de se passer.

Nous étions très émues toutes les deux car nous sentions que quelque chose de très spécial venait de se produire. Je ne pouvais expliquer ce qui venait de m’arriver, mais j’ai senti une protection quasi surnaturelle. D’après ma posture c’était pratiquement impossible de me relever sans aide, et pourtant…

Nous continuons notre promenade vers notre rendez-vous.

Enfin, nous arrivons au bout du quai de la Fosse.

C’est Marie-Françoise, mon hôtesse qui nous recevait à La Cigale, un merveilleux café-restaurant réputé pour son cadre. Tout touriste de passage dans les environs se doit de visiter ce lieu si cher aux Nantais.

Il se trouve sur la Place Graslin, côté opposé au Théâtre du même nom. C’est magnifique! L’intérieur est une véritable œuvre d’art de l’époque 1900 au décor de céramiques, agrémenté de lustres superbes et glaces biseautées.

On se serait cru dans un musée. Où que nous regardions, c’était d’une splendeur admirable. Nous attendions depuis quelques minutes seulement lorsque notre amie arriva. Aucune de nous ne nous connaissions et nous sommes maintenant en face les unes et les autres, et c’est l’éclat de rire ou se mêle un peu de gêne qui heureusement est vite dissipée. Nous décidions alors de manger à l’extérieur.

Bien vite la conversation s’est animée. Nous avions tant de choses à nous dire. Le dîner était excellent. J’ai eu la chance de débuter mon repas par des huîtres, naturellement accompagnées d’un excellent Muscadet de la Haye Foassière. C’était bien la première fois de ma vie que je mangeais un aussi délicieux repas sur une terrasse de ce grand café La Cigale.

Nous communiquions depuis quelques mois. Nous connaissions un peu moins Marie-Françoise de Jérusalem. Comme mes deux amies portent le même prénom, j’identifierai cette dernière, par les initiales MF.

Au départ, nous l’avions connue par les récits qu’elle publiait sur le site Internet de Sel et Poivre. MF est Française et réside à Jérusalem à cause du travail de son mari. Elle avait présenté ses récits sur la Terre sainte qui étaient toujours très intéressants. Chacune de notre côté, sans savoir que nous correspondions avec MF, nous échangions sur ses écrits et l’encouragions à continuer.

Les deux Marie-Françoise avaient échangé à quelques reprises constatant qu’elles avaient l’une et l’autre de la parenté portant le même nom. Ce fut au début du printemps que j’ai fait cette découverte en leur avouant que j’avais deux correspondantes du même nom, celle de Nantes et celle de Jérusalem. Je n’en revenais pas de la coïncidence. Parmi les millions de correspondants, quelle était la possibilité que trois personnes aient les mêmes correspondants ?

Naturellement, sans le savoir, nous avions suivi la même filière du site Sel et Poivre et nous avions été attirées par les mêmes personnes, à des milliers de kilomètres les unes des autres.

Comme vous devez vous en douter, l’après-midi s’est vite passé sans que nous nous en rendions vraiment compte en si bonne compagnie.

La promenade dans les rues avoisinantes: Cours Cambronne, Passage Pommeraye, nous a permis d’échanger sur divers sujets nous aidant ainsi à mieux nous connaître…

C’est avec un peu de tristesse que nous nous sommes séparées. Nous venions encore de passer une excellente journée. Nous nous promettions de continuer à nous donner des nouvelles régulièrement.

Les prochains échanges seraient très différents, car nous pourrions imaginer la personne entièrement.

La journée du lendemain risquait d’être assez chargée. Claude m’ayant avoué qu’il adorait les cuisses de grenouilles, il fut invité pour le jeudi midi à trouver un endroit où nous pourrions en déguster.

Ça me faisait grand plaisir de leur rendre, à mon tour, un tout petit peu leurs politesses, ils avaient tant fait pour moi.

Mon départ était prévu pour Lille, au début de la soirée, c’était donc en pensant à tout cela que je me couchai le mercredi soir. Je me demandais si ma santé me permettrait de faire tout cela. Bien que j’espérais ne rien manquer, la fatigue se faisait sentir, de plus en plus. Marie-Françoise m’avait pratiquement forcée à me reposer de temps à autre, mais le dîner avec mes hôtes demeurait le plus important et si j’avais un choix à faire, je laisserais alors tomber la chorale.

Je devais assister, assez tôt, ce jeudi matin, à une pratique de la chorale de l’Université de Nantes dont Marie-Françoise faisait partie. Elle avait eu l’autorisation de m’amener à cette dernière répétition avant le voyage de la chorale dont le départ avait lieu le samedi suivant visitant ainsi plusieurs grandes villes au cours de la semaine

Jeudi 17 juin

Le petit déjeuner se prenait toujours sur la belle terrasse fleurie. Le soleil entrait de partout. J’étais en compagnie de mes hôtes qui m’expliquèrent qu’ils avaient pensé à mon invitation du dîner aux cuisses de grenouilles. Ils m’expliquaient que mon invitation les touchait beaucoup, mais que ça ne nous donnerait pas assez de temps pour bien profiter de la journée.

Nous devrions plutôt revenir prendre le repas du midi à la maison en compagnie de Claude. J’étais un peu déçue. J’aurais bien aimé les recevoir, mais on m’a dit que je n’avais pas la majorité.

À la pratique de la chorale de l’Université de Nantes, j’ai été accueillie comme de la grande visite. Le chef de chœur était reconnu pour ne pas être toujours commode. Il a été très gentil et m’a accueillie avec des mots de bienvenue, j’ai senti que c’était un grand privilège qu’on m’accordait d’assister à la dernière pratique avant le départ pour les concerts dans diverses villes de la France.

J’étais assise au centre du chœur de chant comme si je faisais partie de la chorale et ce que j’entendais me ravissait. À un moment donné, j’avais tellement le cœur gros, je prenais tout ce qui m’arrivait comme un grand bonheur. Mon âme était devenue une éponge qui absorbait tous ces bonheurs qui m’arrivaient. Ce fut encore une superbe expérience pour moi et j’aurais manqué quelque chose de précieux si je l’avais raté.

Une autre surprise de taille m’attendait à la maison, Marie-Françoise, avec la complicité de son mari, avait prévu un dîner très spécial. En fait, ils voulaient m’offrir le repas qu’ils servaient habituellement à leurs enfants pour Noël.

Foie gras de canard (sud-ouest), magrets de canard aux groseilles et pommes frites. Tout cela avec une bonne baguette de pain chaud. Ce festin accompagné d’un bon Cabernet, valait, à n’en pas douter, le meilleur des restaurants. C’était la première fois, que je goûtais ces mets dont j’avais déjà entendu parler en termes élogieux, mais je n’avais jamais eu la chance d’en savourer. Tout cela était fait sans prétention. Juste pour faire plaisir.

J’avais vécu quatre jours dans cette famille et je me sentais tellement bien avec eux. Je leur serai toujours d’une très grande reconnaissante pour ce cordial accueil.

Après quelques heures de repos, le temps était venu de partir. J’ai fait mes adieux à Claude qui avait été bien plus qu’un hôte, c’était un ami que je laissais derrière moi.

Marie-Françoise m’amena à la gare, elle tenait à venir jusqu’au bout avec moi; c’est donc dans le wagon qui me ramenait à Lille que nous nous sommes séparées. Nous avions vécu quelque chose de particulier et d’intense. Quatre jours auparavant, nous nous serions croisées dans la rue sans nous reconnaître et maintenant nous avions de la difficulté à nous séparer.

Comme je l’ai déjà dit, nous nous sentions attirées comme deux âmes sœurs. Nous n’avions pas besoin de grands discours pour nous comprendre, comme si nous nous connaissions depuis très longtemps et c’est le cœur gros que nous avons dû nous faire nos adieux.

Que nous réservera l’avenir ? Il en restera toujours un doux souvenir qui nous rappellera que quelque part, il y a un être qui nous ressemble et pour lequel, nous avons beaucoup d’affection.

Le retour à Lille s’est fait en douceur. J’avais quelques heures devant moi pour revivre ces quatre jours qui faisaient déjà partie des souvenirs heureux. Tout s’était passé comme prévu et même en plus merveilleux. Je revenais le cœur rempli de tendresse pour toutes ces personnes rencontrées. J’arrivais assez tard à Lille, mais je savais que malgré l’heure tardive, Denis serait là à m’attendre. Là encore, je ne fus pas déçue.

Revenue à la maison, je me suis rendu compte que mes draps de lit avaient été changés et que rien d’autre n’avait été déplacé. Plutôt que de coucher sur le divan, Denis aurait pu reprendre sa chambre pour ces quatre nuits, mais non, une grande marque de respect avait été encore faite à mon endroit.

Vendredi 18 juin

Ma visite chez eux tirait à sa fin. Nous étions rendus à vendredi et c’est la journée que j’ai trouvé la plus longue. Denis et Pascal étaient partis très tôt le matin et ne revenaient qu’à la fin de l’après-midi.

J’ai essayé de me reposer au cours la journée, mais je n’y parvenais pas, je devais être trop émue. J’avais vécu tellement de bouleversements émotionnels depuis quelques semaines que j’avais l’impression de retomber sur terre tout doucement.

L’arrivée de mes hôtes me changea les idées. C’est le cœur léger que je les accompagnai chez les filles, amies de longue date de Denis et Pascal. C’est en ces termes qu’on m’introduisit chez ces trois filles qui demeuraient dans une magnifique maison située dans un domaine résidentiel de Lille.

L’architecture de cette belle grande maison était beaucoup plus ressemblante aux maisons qu’on retrouve ici, en Amérique du Nord, que tout ce que j’avais pu voir en France. Les filles étaient des professionnelles de l’enseignement et semblaient très à l’aise. Tout était beau et de bon goût. Ce fut donc encore une soirée très réussie en compagnie de si charmante compagnie.

Samedi 19 juin

Le samedi, nous sommes allés magasiner dans un nouveau centre d’achats qui ressemble un peu aux nôtres, Denis me disait que c’était tout nouveau d’avoir des centres de ce genre. Le soir nous étions invités, tous les deux à dîner chez un confrère de Denis à Provin, tout près du collège Dolet. Ça ne me tentait pas beaucoup, car je partais le lendemain, mais Denis insista en me disant que si je n’y allais pas, hé bien il n’irait pas non plus; alors j’y suis allée, je ne voulais pas qu’il manque sa soirée pour moi, mais le cœur n’y était pas.

Les gens qui nous recevaient étaient très gentils. Je retrouvais quelques professeurs que j’avais eu l’occasion de rencontrer la semaine précédente et c’était sympathique. C’était à l’extérieur que tout se passait, sous forme de BBQ. Il y avait de la nourriture à profusion et j’étais étonnée de voir comment les gens aimaient la bouffe. Plusieurs entrées suivies de brochettes et des fameuses saucisses, ensuite les fromages qui auraient pu à eux seuls faire un repas. Enfin, nous sommes partis avant le dessert, car il commençait à faire vraiment froid et nous devions partir assez tôt le dimanche matin pour Paris.

Les enfants de Pascal étant en visite chez leur père, je pus alors les saluer avant de partir, et je fis mes adieux à Pascal qui avait été si dévoué tout le long de mon séjour chez eux. Denis qui avait insisté pour me ramener à mon hôtel à Paris était prêt, j’appréciais beaucoup, car j’aurais trouvé difficile de me rendre jusqu’à Paris en TGV et ensuite en taxi à mon hôtel au centre-ville.

Paris

Dimanche 20 juin

Le retour s’est bien effectué, nous avons parlé tout le long de ce que nous avions vécu l’un et l’autre durant ces deux semaines. À une vingtaine de kilomètres de Paris, la circulation devenait de plus en plus dense et nous avons fait un bon bout très doucement, de l’autre côté, c’était encore pire. J’espérais que la circulation se soit remise un peu avant qu’il reprenne la voie de retour.

Denis connaissait bien Paris pour y avoir déjà habité durant sa formation universitaire, il venait même à l’occasion y donner des cours, c’est donc sans difficulté qu’il m’amena à mon hôtel, L’Hôtel du Brabant. Comme il y avait beaucoup de trafic et ne pouvant pas stationner près de l’hôtel, nous avons fait un bon bout avant de trouver un endroit. Nous nous étions éloignés un peu plus que nous pensions, et avec mes deux grosses valises, nous avons eu pas mal de difficultés à parvenir à l’hôtel, je n’en pouvais plus et Denis aussi avait son voyage… enfin nous nous sommes rendus de peine et de misère.

Après m’avoir aidée à m’installer dans ma chambre, nous nous dirigeâmes vers un petit bistro pour prendre un petit déjeuner. Nous ne parlions pas beaucoup, nous savions que le temps était venu de nous quitter.

Nous avions vécu une belle histoire, tout s’était bien passé et nous étions satisfaits. C’est sur le trottoir que nous nous sommes dit adieu. Denis est parti d’un côté et moi de l’autre, tout avait été dit.

Pendant quinze jours, j’avais été prise en charge par des personnes qui avaient cru en moi et en qui j’avais mis ma foi, tout cela avait été basé sur la confiance, et en aucun moment, je n’avais été trahie.

Je me retrouvais donc à Paris. Que peut évoquer cette ville quand on y a pensé souvent sans jamais prévoir la visiter un jour et surtout dans ces circonstances.

J’étais seule dans cette grande ville, j’avais bien entendu effectué des recherches sur Internet. J’avais essayé de m’orienter en prenant la Seine comme point de repère mais rendue sur les lieux, ce n’était pas évident.

Je remontai à ma chambre et je pris le temps d’explorer un peu. La bâtisse était assez vieille, je m’en rendais compte que les planchers n’étaient pas toujours droits, les passages étroits et l’architecture bien différente que ce je connaissais.

Ce n’est pas tout à fait ce que je m’attendais d’un hôtel cinq étoiles; à l’agence de voyage, on m’avait dit qu’il ne fallait surtout pas comparer avec les hôtels d’ici.

Cependant l’hôtel était bien situé et tout était très propre, j’avais une belle petite chambre bien décorée avec bain et climatisation. En sortant du hall, à quelques mètres seulement, il y avait une bouche de métro, c’est comme si elle avait été sur mon terrain, j’étais vraiment au centre de la ville et près de toutes les commodités.

Après le départ de Denis, j’avais fait un petit tour sur la rue essayant de me familiariser avec les lieux, certains noms de rues me revenaient en mémoire pour les avoir lus dans la documentation. Il y avait même un McDonald a quelques pâtés de maisons.

J’aurais aimé visiter un peu plus, il y a tellement d’endroits à découvrir mais ma santé me limitait tout le temps. Mon guide qui était très en forme et avait tout un itinéraire préparé afin de visiter le plus d’endroit possible fut très déçu quand il a vu que je ne pouvais tout simplement pas prendre le métro à cause des nombreuses marches d’escaliers. Je devais m’arrêter souvent car de ne pouvait plus avancer ma nitro dans la main.

Quelquefois, même avec la meilleure volonté du monde, il faut être assez humble pour avouer qu’on ne peut faire plus. Ça dérangeait plus mon guide car moi juste le sentiment que j’étais à Paris, de réaliser que j’avais surmonté tous les obstacles pour y être arrivée me remplissait de joies.