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Voila, c'est mon histoire avec la fibromyalgie et la fatigue chronique.

En 1987, depuis déjà trois ans, je vivais pour travailler car je me sentais de plus en plus faible et souffrante. Les quelques moments libres, je devais les utiliser pour me reposer et je les passais au lit afin de récupérer .

Chaque jour ,je m'en allais au travail en remerciant Dieu de me donner la force de traverser le pont encore une fois pour faire ce que j'aimais le plus.
Même si j'avais de la misère avec ma santé, j'avais un travail dans lequel je me réalisais et j'avais le vent dans les voiles.

J'étais responsable d'un important service de bénévolat dans un hôpital. J'avais un grand respect pour les 175 personnes qui composaient mon service et je les considérais comme ma famille. J'avais aussi préparé une formation pour elles… ' Mieux se connaître, pour mieux aider.'

Les cent vingt personnes qui avaient suivi cette formation l'avaient appréciée et me le prouvaient de maintes façons en favorisant une meilleure qualité de vie pour les personnes hospitalisées. Ça se faisait sur une période de 10 ou 12 semaines à raison de 4 heures par semaine.

C'est vous dire que je ne chômais pas mais ça me plaisait ainsi. On m'a souvent dit que j'en faisais trop mais je ne pouvais pas faire les choses à moitié et je n'aurais pas été heureuse si j'avais fait autrement. Mais au cours de l'année 1989/90, j'ai été hospitalisée cinq fois dont deux aux soins pour une courte période .

Mon organisme ne voulait plus du tout répondre , j'étais complètement KO. Il s'en suivit une période de recherches intensives afin de trouver le pourquoi de cet état de chose et du piètre état physique dans lequel je me retrouvais. Après avoir passé les examens traditionnels qui se révélaient tous à peu près bons, j'en étais toujours au même point.

Tellement faible que je ne pouvais pratiquement pas me tenir debout. Je dormais presquement tout le temps, même si j'avais plein de courbatures et que juste me virer dans mon lit était en soit un exercice. Le moindre effort me laissait en sueur glacée et je grelottais continuellement tant j'avais froid dans les os. Je sentais le froid au plus profond de mon être, le froid de la mort.

Pourtant je n'avais pas peur de cette mort que je sentais toute proche, je l'invitais plutôt à venir me chercher afin que ce tourment cesse. A ce moment là , j'avais 53 ans, j'avais vu une kyrielle de médecins qui parlaient entre autre de dépression ou de burn out .

Par contre, pour la dépression il y avait des données contradictoires comme le goût de faire des choses, de lire, de préparer des projets, de bien m'alimenter et de bien dormir…

Habituellement quand on fait une dépression on a pas le goût de faire quoi que ce soit et on se laisse aller, ce qui n'était pas mon cas… Pour le burn out, habituellement on ne veut pas retourner au travail, moi c'était tout ce que je demandais et espérais le plus, retourner vers ma gang au plus vite.

Comme je faisais parti des cadres intermédiaires, je devais me plier aux exigences des assureurs et de nombreux rendez-vous médicaux étaient cédulés pour moi.

Ça faisait six mois que je répondais aux demandes et j'avais pas mal fait le tour. I l me restait deux rendrez-vous avec des spécialistes. Ça faisait quelques mois que j'attendais de voir un interniste. On m'avait dit que s'il y avait quelque chose à trouver, lui trouverait.

La journée de la rencontre, j'étais tellement souffrante que j'avais beaucoup de difficulté à me déplacer, Jacqueline, une de mes amies ,avec son mari m'accompagnaient et me conduirent en chaise roulante. J'entrai de peine et misère dans le bureau du fameux ‘'spécialiste'' qui me reçoit d'une façon très cavalière.

Bien calé dans son fauteuil et les pieds bien accotés sur le coin de son bureau… Il avait dans les mains mes rapports médicaux. C 'était assez volumineux et il s'était fait une opinion très claire de ce que j'étais.

Dans son regard et sa façon de me recevoir je pouvais percevoir tout le mépris qu'il me réservait. Il me demanda ce qui n'allait pas. Je lui répondis que ça faisait plus de trois ans que je ne réussissais pas à reprendre mes forces et que j'étais toujours très souffrante. Que j'avais mal partout presque tout le temps…

Il se met à rire en disant : ''Moi madame, je connais votre problème, vous être comme bien d'autres, une personne qui veut se faire vivre et vous voulez profiter du système mais ça ne marche pas avec moi ,je ne peux que signer votre retour au travail dès demain.'' J'étais complètement ahurie.

Je lui répondis que c'étais justement mon voeu le plus cher, retrouver mon travail et vivre une vie normale. Je lui dis que pendant au moins trois ans, j'avais quand même toujours continué mon travail aussi longtemps que j'avais pu mais que là je n'en pouvais plus. Il s'est un peu adoucit par la suite me faisant quand même passer un autre examen par acquis de conscience, j'imagine ,et me donna mon congé.

Je suis sortie de là en lambeaux ! Quand j'ai traversé la rue, je priais pour que l'auto qui s'en venait manque de freins afin que tout cela finisse. Depuis plusieurs mois que j'attendais ce rendez-vous et j'y avais mis tellement d'espoir et là, je revenais plus bas que la case départ.

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Quelques jours plus tard je me suis présenté au médecin qui s'occupait de mon dossier à l'hôpital, il me conseilla de faire une demande d'invalidité. J'avais le cœur très gros. Ce n'était pas du tout ce que je prévoyais. Je pensais travailler encore six ou sept ans, j'aimais tellement mon travail, c'était ma vie.

J'étais aussi assez responsable pour voir que je n'étais plus ce que j'étais et que je ne pouvais plus donner mon plein rendement et remplir mes obligations. Un employé malade ne vaut pas grand chose pour son employeur, il n'a pratiquement pas le choix de le remplacer. Je savais ce que ça voulait dire, faire le deuil de mes rêves, de mon service qui était si important pour moi.

A 39 ans j'étais retournée aux études à plein temps afin de suivre un cours de formation en Techniques Administratives, J'y avait passé près de deux ans et c'était cela en grande partie qui m'avait permis de postuler pour le poste que je détenais depuis une dizaine d'années.

Je voyais tout mes efforts s'envoler. J'étais au faite de ma gloire et mon service fonctionnait tellement bien que j'avais toujours une liste d'attente de personnes qui voulaient se joindre à notre équipe, et aujourd'hui on me demandait de dire non à tout cela…. Il me dit aussi qu'il avait entendu parler d'un médecin qui faisait des recherches sur la Fibromyalgie et sur la Fatigue Chronique à l'Hôtel Dieu, hic.. c 'est là que j'avais rencontré le fameux spécialiste quelques jours auparavant…..

J'étais prête à voir le docteur Phaneuf mais j'avais une certaine appréhension car j'étais rendue au bout du rouleau. Je me disais que je ne pourrais plus faire face à une autre déception et que là je pensais vraiment que je tomberais en dépression. Je sentais que j'aurais bien de la difficulté à me relever si.....

Depuis janvier que se jouait ce petit jeu et nous étions rendu au début de l'automne. Je vous fais grâce de toutes les déceptions, de toutes les frustrations qui se sont multipliées au cours de ces mois. Je crois qu'il faut être fait fort pour passer au travers tout cela.

En plus d'être malade, il faut le prouver. Les personnes bien intentionnées qui nous disent avec un sourire, arrête de penser à cela, prends une couple de semaines et va en voyage.

Pauvres elles, si elles savaient que juste de se rendre à la chambre de bain , certain jour, est à peu près tout ce qu'on peut faire. Pour se servir un café, ça prend les deux mains et qu'on tremble tellement qu'on en renverse la moitié.
Qu'on veut ouvrir la porte patio pour aller se faire réchauffer au soleil mais que c'est trop lourd et que de faire le tour par la porte d'en avant, hé bien c'est trop loin.

Imaginez vous, moi je trouvais cela difficile, que penser de la jeune maman qui vit les mêmes tourments et qui à des enfants à élever, une maison à faire tourner et un mari pas toujours compréhensif.

Du jeune père de famille qui ne peut plus subvenir aux soins de sa famille et qui se fait traiter de lâche Ça doit être terrible… Ça peut être les mêmes réflexions qui peuvent être faites concernant la personne souffrant d'autres malaises.

C'est dommage que quelques fois il faille être privé de quelque chose pour en apprécier toute la valeur.
C'est surtout pour bien faire comprendre cela aux biens portants que j'écris mon histoire et aussi aux personnes qui se font tellement dire que c'est dans la tête qu'elles en viennent a douter de leur jugement..
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Dans tout cela, je suis privilégiée à plusieurs égards, j’ai un mari compréhensif et aidant, j’ai une assurance qui m’empêche de me préoccuper au moins du coté financier,je peux me reposer autant que je veux, même si je passe 20 heures au lit , je ne pénalise personne.

Pensez aux autres qui ont des responsabilités et qui ne peuvent pas les rencontrer, ça doit être très stressant. Comme j’admire ces personnes qui ont encore le courage d’avoir des projets contre vents et marées.

Il y a aussi l’aspect psychologique qui est très lourd à assumer.

Souvent la famille ne comprend pas ce que vit la malade, elle pense que c’est du laisser-aller, de la paresser ou du désintéressement, bien non tout au contraire.Je crois que c'est plutôt des personnes qui habituellement se dépensent beaucoup qui sont atteintes.

Le temps de la consultation que j’appréhendais et espérais en même temps, avec le docteur Phaneuf ,était maintenant arrivé.

Il commença par me faire passer une batterie de testes avec prises de sang spéciaux. Comme il me l'explique, il est difficile de diagnostiquer ces maladies.
On procède plutôt par élimination d’une douzaine de maladies courantes. Vous trouverez toutes les informations sur les sites traitants du sujet et ici même sur un groupe de FM.

Un mois plus tard, j’avais ma rencontre pour les résultats car ça prend un gros trois semaines pour faire ces analyses de sang. Je m’étais tout le long de ce long mois programmée afin de faire face et j’étais prête.

Il m'annonça qu’il y avait un virus très virulent qui circulait dans mes veines et qui faisait des ravages. Il ajouta qu’il comprenait très bien mon état et se demandait même comment j’avais pu passer au travers ces longs mois sans aide. Il pouvait prendre une goutte de sang et la diluer 1053 fois et le virus était toujours présent.

J’avais toujours accepté les verdicts sans broncher mais là je me suis mise à pleurer à chaud de larmes, c’était de bonheur…Le docteur Phaneuf me dit qu’il ne m’apprenait pas une très bonne nouvelle, au contraire.

Mais pour moi, c’en était une.

Ce n’était dont pas juste dans la tête, je n’étais donc pas folle. Je n’étais dont pas complètement responsable de tout cela . Comme je me sentais bien. On aurait dit qu’on m’enlevait un poids énorme de sur mes épaules. Le docteur m'expliqua alors dans un langage imagé afin que je comprenne bien ce que ça faisait dans mon organisme. Il me dit que le virus ne reconnaissait pas ses ennemis et attaquait mon système immunitaire détruisant ainsi aussi bien les bonnes cellules que les mauvaises, avec le résultat qu'on connaît, enfin c'est ce que j'ai compris.


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Au cours de mes nombreuses visites dans les salles d’attentes pour la FC et FM, j’ai vu passer bien du monde. On ne rencontre pas des personnes pendant des années sans se reconnaître et échanger.

Contrairement à d’autres salles d’attentes, les personnes semblaient toutes des personnes dynamiques, ayant une bonne estime d’elles même et bien mises.
Il y en avait aussi de tous âges. La majorité était des femmes qui détenaient des postes de responsabilités.
C'était dont plus souvent des personnes énergiques et avec plein de projets qui en étaient les cibles. Ceci n'est qu'une opinion que je me fais d'après ce que j'en sais.

Toutes parlaient des pertes morales qu’elles avaient subit . Perte de jouissance de la vie, perte d’amis, plusieurs divorces car le conjoint ne reconnaissait plus la personne qu’elle était devenue. On se plaignait surtout de l’intolérance , de la non compréhension des autres et de la solitude qui s’en suivait.

Ça faisait un mois maintenant que j’avais mon diagnostique quand je rencontrai le premier psychiatre. Il était mandaté par les assurances afin de faire une expertise de mon cas.
J’avais apporté avec moi le rapport du docteur Phaneuf et je lui apportais aussi un article que j’avais lu sur le sujet et qui décrivait assez bien les symptômes de la fibromyalgie et de la fatigue chronique.


Quand il eu lu le rapport, il me dit que ça devait être une nouvelle maladie car il n’en avait jamais entendu parler. En tous cas il ne semblait pas très impressionné . Il fit un rapport pour six mois pour mon employeur et disant que dans quelques mois je devrais être bonne pour retourner au travail.

Même si j’essayais que ça ne paraisse pas trop, je tremblais tellement que je ne pouvais pas cacher cela et me déplacer me demandait tellement d’efforts que j’avançais comme une personne très vieille qui n’est pas en forme.

Ce n’est pas parce qu’on ne trouve pas ce que nous avons que ça veut dire qu’on a rien.
Je sais que la médecine a ses limites et je les respecte mais de là à dire que c’est dans la tête il y a une limite. Par la suite , j'en rencontrai deux autres à une année d'intervalle avec à peu près les mêmes résultats j'imagine mais je n'ai pas vu les rapports.

Ça faisait quelques mois que j’avais eu mon diagnostique mais ça ne mettait nullement fin à mes douleurs ni à mon état d’extrême faiblesse. Ça n’apportait pas non plus de solution pratique pour vaincre ces maladies dont on ne connaissait aucun médicament valable.

Après avoir été très entourée dans ma vie professionnelle je tombais dans une solitude complète.

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Par respect pour ma condition, personne ne voulait me déranger car je n’étais pas capable de parler au téléphone plus que quelques minutes et j'avais beaucoup de misère a m'exprimer comme si j'étais sous l'effet de médicaments. Mon mari partait pour le travail très tôt et revenait sur la fin de l’après-midi et à 20 heures était couché.

Un peu avant son arrivée je me faisais une petite toilette, un peu de maquillage ça fait du bien au moral aussi. Il faut penser que les conjoints aussi vivent cela difficilement, souvent ils ne reconnaissent plus la personne gaie et enjouée qui était là avant.


J'ai toujours été assez coquette et je trouve que même pour nous, c'est agréable de voir un visage souriant dans une tenue présentable. On dirait qu'on est moins malade. Je crois qu'on ne trompe personne mais la pilule est plus facile à avaler, il me semble.

Pour moi, la seule solution envisageable était d’aller au plus profond de mon être, pour y puiser des solutions à ma portée. Je voulais retrouver une qualité de vie acceptable pour moi et pour mon conjoint, si non la descente n’en serait que plus cruelle.

Ce n’est rien de facile et ça prend une bonne dose de courage et de persévérance pour ne pas sombrer dans le plus grand désespoir quand ça dure des années.

Je ne vous cacherai pas que pendant les quatre premières années, presqu’à chaque jour, je pensais au suicide .J'avais en ma possession tout ce dont j'avais besoin et seul la peur de faire de la peine à ma famille m’en a empêché.

Un matin qui avait suivi une nuit où la souffrance était presque intolérable j’étais pratiquement prête à passer à l'acte car je me voyais bien plus comme un boulet qu’autre chose. Je pensais que mon mari serait bien plus heureux sans moi et qu'il était encore assez jeune pour refaire sa vie.

Il était 9 heures du matin et mon fils est arrivé, je ne l’attendais pas du tout et il ne venait jamais comme cela en plein jour car il travaillait et avait de grandes responsabilités.


Il m'a dit qu’il devait avoir une réunion très importante avec une dizaine de personnes mais qu’il avait tout annulé. Il me dit que j’étais continuellement dans ses pensées et qu’il avait décidé de venir voir ce qui se passait.

Nous avons parlé pendant quelques heures, ça faisait longtemps que ce n'était pas arrivé. Il m’a fait comprendre que je m’attardais à ce qui me manquait plutôt qu’à toutes les choses que j’avais. Que mettre fin à mes jours ne ferait que me forcer à revivre ,dans une autre vie, des choses encore plus difficiles. Je ne sais pas s’il avait raison mais il a réussi à me faire réaliser qu’on tenait à moi malgré tout.

Il me dit; ''Maman, tout le monde qui te connaît, t’estime, tu as un bon mari, tu as un toit sur la tête, tu ne manques de rien ce n’est pas le grand luxe mais tu es bien et nous t’aimons moi et les enfants.''

J’ai souvent eu en mémoire la pensée suivant’’ Si tu remerciais pour tout ce que tu as, tu n’aurais pas le temps de te plaindre ‘’ Mon fils dans sa sagesse avait bien illustré l'essence de cette pensée.

Probablement aussi que ce matin-là, l'estime que j'avais de moi avait pris le bord. J'avais sans doute un grand besoin d'être rassurée. Le fait de me faire dire qu'on pouvait encore m'aimer avait suffit à me faire voir les choses différemment.

 

N'oublions pas de dire à notre entourage et à nos malades surtout, quelques soient les situations difficiles dans lesquelles ils se trouvent, qu'ils sont toujours les mêmes personnes et que nous les aimons très fort.

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